Je m'attends à de la déception, de la résignation. Je ne suis pas l'espoir qu'il peut aimer. Mais il n'est ni déçu, ni résigné, pas même en colère. Il ressent d'abord une joie infinie qu'il refreine aussitôt.
_ Cela va devenir compliqué, admet-il malicieux.
Je ne comprends pas.
_ Comment pourrais-tu enfanter et rester en vie ?
_ Je ne suis pas la terre, me lamentè-je désespérée.
J'ai eu tout le temps d'y réfléchir. Rien dans mes visions n'indique que cette enfant soit la mienne. J'ai juste voulu le croire. Elle était juste dans mes bras. Les Amazones sont filles de la lune et du soleil, de la guerre aussi mais de la terre, en aucun cas.
_ Larchos, affirme-t-il sûr de lui.
Je ne saisis toujours pas.
_ Il voue un culte absolu à Déméter, ses appartements en sont remplis. Je n'y avais pas vraiment pris garde.
_ Larchos ? Le gouverneur ? Mais quel lien avec moi ?
_ Alia, ne me dis pas que tu n'y as jamais songé.
Je viens de comprendre. Y songer n'est pas vraiment dans notre nature. Iolass ne peut entrevoir cette réalité là. De lointains souvenirs m'arrachent un air de dégoût.
_ Je crois que je n'ai pas très envie de vivre la même chose qu'Hippolyte.
Il ne sourcille pas.
_ De notre retour d'un voyage, peut-être celui sur l'Atlantide, continuè-je, le favori de la reine a fomenté une révolte. Hippolyte devait avoir huit ans mais il l'avait portée sur le trône, disant qu'elle était de son sang, et avait rallié à lui une partie de l'andréion. Quand nous sommes arrivés, les combats faisaient rage dans la cité. Seul un petit groupe d'hommes était resté fidèles à ma mère et défendait vaillamment le temple d'Artémis. Il y avait beaucoup d'esclaves à cette époque-là dans les murs de Thermiscyre, trop. Les Amazones étaient en infériorité numérique. Cependant galvanisées par l'arrivée de leur reine, les guerrières matèrent la rébellion.
_ Et le père d'Hippolyte ?
_ Égorgé sur les marches du palais lors d'une cérémonie expiatoire.
Il ne réagit pas. Il sait que je ne dis pas tout. Il serre ma main avec une douceur immense.
_ Des mains de sa fille... dégoûtée par l'image surgie de mon passé.
_ Tu as dû y assister ?
_ Hippolyte a dû nous laver de sa trahison, la reine et moi, du sang de notre ennemi.
_ Quelle horreur, s'écrie-t-il. Alia, c'est...
_ Barbare, je sais, le coupè-je découragée par ce fossé qui nous sépare toujours.
_ Pardonne-moi, chuchote-t-il confus. Je n'ai pu m'en empêcher.
_ Je sais.
_ Larchos est la terre. Tu restes la clef de l'Atlantide en quelque sorte. Et cela reste compliqué.
_ Pas temps que cela : pourquoi ne rentres-tu pas chez toi ?
Il peut s'évader à sa guise et n'en a rien fait. Pourquoi ?
_ Il semblerait que les Amazones aient envisagé d'avoir des amants atlantes, dit-il énigmatique.
_ Le poison ?
_ Je ne peux pas le sortir de mes veines.
_ Elle est là tout près mais tu ne peux pas rentrer tant que je n'aurais pas trouvé l'antidote.
Il passe sa main dans mes cheveux dans un geste désormais familier. Je fonds littéralement sous ses doigts, ses yeux dans les miens, plus sombres, ses lèvres frôlant les miennes.
_ Je crains qu'il n'y ait pas d'antidote contre toi.
Il m'embrasse au-delà de toute raison, usant de ses talents pour embraser mon corps du feu du sien. Je sais qu'à cet instant nous ne faisons qu'un. Je m'abandonne absolue à toutes les impressions voluptueuses de ce baiser. Il s'arrête avec délicatesse :
_ Ce ne serait pas raisonnable.
_ Non, en conviens-je frustrée.
Mon esprit bouillonne autant que l'onde à nos pieds. Je tente de reprendre la maîtrise de mes sens quand il annonce.
_ Rentrons !
Cela a le mérite de me ramener à la réalité. Je me love dans ses bras, confiante, presque impatiente. Après tout, ce n'est pas si terrible.
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Déluge
FantasyAlia sait qu'elle va mourir. Sa sœur la tuera lors du combat de succession au trône des amazones. Elle n'a pas peur, la mort est une vieille compagne qu'elle attend en profitant de sa liberté. Mais un navire étranger bouscule son destin. Elle va dev...