Chapitre 17 - 2

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En bas, les Nocturnes, guerriers mâles et femelles mélangés, s'étaient répartis à trois par Vierge et avaient déposé devant chacune une grande écuelle de bois. En traversant les rangs de ses sœurs prêtresses, Ève remarqua la Voix de la Guerre faisant face à Reeda, la sanctive de Lyzéa.

Elle se demanda ce qu'il faisait. Pouvait-il communiquer avec elle ? Une intuition lui dicta que ce peuple possédait des pouvoirs en relation avec la nature, et peut-être les animaux. Cela concorderait assez avec la notion d'équilibre qu'ils avaient abordée précédemment. Mais comment pouvait-on parler d'équilibre lorsqu'on avait voué sa vie à l'extinction d'une autre race, lorsqu'on versait le sang comme ils le faisaient, sans une once de remord. Peut-être cherchaient-ils à justifier leurs actes avec ce genre d'excuse, tout comme les mages justifiaient leurs actes par des mots comme Empire, Grandeur ou Gloire, quand il ne s'agissait que d'appétit irresponsable.

Ève arriva devant les Vierges. La première d'entre elles, Lyzéa, attendait avec un air de défi, deux mètres devant la première rangée de ses sœurs.

« Nous sommes les Shahasskri » lui dit Ilya juste derrière elle. Encore une fois elle ne l'avait pas entendu la suivre, mais elle était là, à quelques centimètres dans son dos.

« Dans ta langue, cela veut dire : Ceux de la grande forêt. Une des huit tribus Akheraï. Bientôt, lorsque la terre aura tourné et tourné, nous ne serons plus que souvenirs. Mais l'un de ceux-ci sera ce que nous ferons cette nuit.

- Comment peut-on être assez fou pour ne désirer que laisser ce genre de souvenir derrière soi ? Vous êtes une abomination.

- Nous sommes ce que vous avez fait de nous. Il vous faut payer le prix de votre victoire.

- Cela remonte à plus d'un siècle maintenant. Ceux qui vivent aujourd'hui n'en sont pas responsable.

- L'espèce humaine en est responsable. C'est inscrit dans votre nature. La soif de pouvoir, la domination... Vous ne vous arrêterez jamais. Peut-être n'arriverons-nous pas à vous éradiquez, mais c'est à présent le seul cadeau que nous puissions tenter de faire aux autres habitants de ce monde.

- Vous avez déjà perdu la guerre. Pourquoi persévérez ?

- Parce qu'il ne nous reste rien. Autant que notre...

- C'est l'heure, les interrompit Pillass. La petite lune est rouge. C'est un bon présage ».

Ilya s'adressa à la Voix de la Guerre dans leur langue aux accents fluides. Leur discussion dura quelques instants sans que l'humaine ne comprenne un mot. Mais à leur ton, certaines interrogations se posaient encore à eux, et une sorte de tension.

« Vos animaux vont peut-être nous poser des problèmes prêtresse. Mais s'il le faut, nous sommes prêts ».

Ève se demanda ce qu'elle voulait dire par là et ce que comptait faire les sanctives. Bien sûr, elles obéiraient aux vierges guerrières, tant qu'elles vivraient. Mais après ?

Lyzéa, à quelques pas de là, rendit un sourire plein d'assurance à l'interrogation muette qu'Ève lui posa du regard. L'Intouchable avait confiance, Ève ne pouvait que la croire. Tout se passerait donc comme elle l'avait prévu.

Ève se dégouttait.

Le regard serein de son amie de toujours lui fit de nouveau monter les larmes aux yeux.

Juste à côté de Lyzéa, Reeda balançait nerveusement sa queue de droite à gauche. Lorsque ses yeux croisèrent ceux d'Ève, elle put y lire un reproche qui faisait douloureusement écho à ses propres pensées.

Ilya s'éloigna de quelques mètres sur la droite, là où d'autres Nocturnes habillées comme elle avaient préparé un autel de bois sombre, sculpté de runes aux reflets rouges iridescents. Une partie de l'esprit d'Ève se demanda à quelle magie elles allaient avoir recours, et dans quel but. Toutes ces Nocturnes habillées de cuir étaient certainement des prêtresses, et Ilya peut-être une grande prêtresse, ou le pendant pour son dieu de ce qu'Ève était pour Aorila. Mais quel était leur dieu ? Elle n'en avait jamais entendu parler.

Vierge de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant