Lorsque Christophe revint à lui, il se sentait différent.
Il était là, au centre de la clairière, au centre du tout, sans en être le centre. Mais le tout était si immense qu'il en était au milieu.
Il se sentait fort, lui aussi immense, car empli d'une multitude de parcelles, qui chacune était en son milieu.
Et il sentait la vie autour de lui, la nature. Ses baskets usées, elles, n'étaient pas vivantes. Elles le gênaient : il les ôta. Ses habits aussi. En créant ces choses, en transformant les éléments à partir desquels ils les avaient façonnées, les hommes avaient détruit le lien qu'elles avaient avec le tout. C'était des objets inertes, qui ne rayonnaient pas.
Les pieds dans l'herbe grasse, Christophe sentait la terre. La peau offerte au vent et au soleil, il appréciait leurs caresses comme jamais auparavant. Il entendait les sons comme s'il ne les avait jamais écoutés. Le frôlement des ailes dans le ciel, le crissement des insectes, le grincement des branches, le pas des animaux cachés dans le sous-bois : tout avait un sens. La nature avait un sens, un ordre. Il en faisait partie.
Tout le vernis qu'il avait acquis auparavant était un mensonge. Il était un animal, un esprit, une somme et une parcelle.
Tout avait un sens et la vie criait en lui.
La faim !
Il avait faim, et l'ordre des choses était qu'il mange. Il s'avança dans le couvert des bois. Percevant la présence de baies, il en cueillit et écrasa un des fruits entre ses doigts pour le sentir puis le goûter. Il était comestible et s'en nourrit. C'était délicieux, mais peu. Ces sens étaient exacerbés. Il huma l'air. Une proie était proche. La vie se nourrissait de la vie. Il s'élança, en chasse.
Il était penché sur le ruisseau, en train de se débarbouiller, lorsqu'il entendit le pas léger des deux femelles. Elles ne constituaient pas un danger. Il finit d'ôter le sang de sa proie qui maculait sa bouche, appréciant la fraicheur de l'eau sur son visage.
Le petit rire qu'elles eurent en pénétrant dans la clairière était plaisant. Il se redressa et se retourna pour leur faire face. Il s'agissait de deux jeunes Nesqs. D'après leur coupe de cheveux, rasée à partir du niveau des oreilles jusque sur la nuque et une queue de cheval tressée, elles étaient dans leur période d'apprentissage, cet âge qui s'étend de leurs premières menstruations à celui où elles décideraient être prêtes à prendre un époux. C'était l'âge des découvertes sentimentales et sexuelles. Elles ne portaient qu'un simple pagne et le cou de la plus grande des deux était orné d'une petite parure de perles de bois colorées, formant un triangle qui se terminait entre ses seins. Toutes les deux portaient un petit panier de cueillette, à trois quart plein.
La plus jeune détourna le regard, riant et rougissante à la vision de sa nudité. Elle avait de petits seins pas encore complètement formés, les hanches étroites. Aucun intérêt.
L'autre riait aussi, mais elle le regarda de haut en bas sans gêne. Sa poitrine était déjà ronde sans être volumineuse, et ses hanches avaient des courbes attirantes. Christophe s'approcha d'elle, il sentait tous les parfums qui s'échappaient de son corps. Elle était femme, nul doute à cela.
Elle soutint fièrement son regard tandis qu'il s'avançait. Elle souriait. Mais lorsqu'elle vit avec quelle intensité l'homme l'observait, elle détourna finalement les yeux en rougissant légèrement.
D'un geste du bras, Christophe écarta la plus jeune, et tourna autour de celle qui avait éveillé son intérêt. Elle était bien plus petite que lui, de presque trente centimètres, mais c'était une taille normale pour les femmes de cette tribu. Sa peau sans défaut avait la couleur du caramel. L'odeur de sa sueur, si proche, l'excita. Avait-elle envie ? Finissant son tour, il se pencha pour sentir un peu plus son parfum...
Un petit grognement s'échappa de sa gorge, il la trouvait désirable.
Elle recula légèrement son visage pour le regarder dans les yeux. Elle avait de longs cils très recourbés. Elle eut un très court froncement de sourcils, puis releva le menton et raidit sa colonne, bombant le torse.
La plus petite avait reculé de trois pas et contemplait la scène, les yeux écarquillés, affichant un sourire amusé.
Après avoir fait un tour complet, Christophe s'arrêta, face à la jeune femme qui soutenait toujours son regard. Il la devina réceptive.
Il pencha légèrement son buste en avant pour porter son visage à quelques centimètres de l'objet de ses désirs et huma longuement son cou, avant de laisser échapper un tout aussi long soupir. Un frisson, qui n'était pas de peur, parcourut la peau délicieusement dorée de la jeune indigène. Elle leva la main gauche pour la poser sur la poitrine de Christophe et le repousser légèrement. Puis elle s'accroupit, et posa son panier au sol avant de se relever. Son visage passa tout prêt du sexe dressé de Christophe, mais elle n'eut aucun geste pour modifier son déplacement.
Un fois debout, elle porta sa main droite sur sa poitrine et prononça « Neta ». Elle avait une voix très chaude pour un si petit corps. Christophe eut un simple grognement pour montrer qu'il avait compris. Neta ou autre lui importait peu. Ces deux syllabes ne représentaient pas grand chose comparées à toutes les informations que le corps fournissait, comme l'aspect de sa poitrine, tout aussi fièrement dressée que son menton, ses pupilles dilatées, son battement de cœur qui accélérait, et toutes ses sources d'énergies vitales qui s'écoulaient de ses organes, irradiant de plus en plus fort. Elle était divinement vivante.
Peu de temps lui suffit pour l'enflammer, un peu plus pour échanger, pour se donner l'un à l'autre et partager l'immensité, jusqu'à ce qu'il lui donne l'extase, à elle aussi. En ces quelques minutes de communion pleine et entière, il était devenu son infini à elle, son immense petit dieu.
Et lorsqu'il roula sur le côté, puis sur le dos, elle roula avec lui, son sexe encore en elle. Leurs bras se détendirent et tombèrent en croix. Elle sentait toute la chaleur de son corps dans son dos, sa respiration puissante la soulevait à chaque inspiration.
Allongée sur lui, repue de plaisir, elle ferma les yeux. En cet instant, elle voulait l'éternité.
Lui sentait la terre sous son dos. Pas seulement le sol sur lequel il reposait : il sentait la puissance minérale de la terre qui jaillissait en lui, la puissance de la vie qui ne se contentait pas de le régénérer, elle l'immergeait, l'habitait. Il avait la sensation d'être fort comme une montagne et, en même temps, c'était comme s'il était en apesanteur, le petit corps posé sur lui ne pesait rien.
Il n'avait jamais connu de plaisir aussi intense, mais il n'était pas repu.
Il roula sur le côté et se dégagea de cette petite femme qui lui avait tant donné. Tant donné, mais pas assez. Il n'avait pas conçu. La vie en lui était contrariée.
Il lui sourit néanmoins, avant de s'éloigner.
L'autre jeune Nesq était là. Son sourire s'était changé en stupéfaction, son panier pendait lamentablement à son côté, la plupart des fruits au sol. C'était une enfant, impropre à satisfaire ses désirs. Il la dépassa et se dirigea vers le village. Il se rappelait qu'il avait deux femmes là-bas, deux femmes sensuelles aux seins lourds. Elles pouvaient lui donner ce dont il avait envie. A cette simple pensée, son corps s'éveilla de nouveau au désir.
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Vierge de sang
FantasyÈve courait, comme jamais elle n'avait couru. Elle sentait le terrain sous ses foulées, savait instinctivement où poser les pieds, elle était comme le vent qui file entre les arbres. Elle percevait avec une précision incroyable toutes les odeurs qui...