Chapitre 23 - 1 : la tentatrice

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La nuit était fraîche.

Une légère brume flottait au ras du sol, le ciel, d'une clarté limpide, étalait ses myriades d'étoiles en longues rivières de diamants.

Christophe n'avait pas sommeil. Malgré la fatigue il n'avait aucune envie de se coucher, son esprit était trop fébrile.

Autour du feu de camp, abrité du faible vent par les murs en ruine, les filles s'étaient emmitouflées sous leurs couvertures. Seule Ève était encore éveillée, les yeux perdus dans les flammes.

Dos à la lumière mouvante du foyer, Christophe fit quelques pas dans le bosquet qui les abritait. Il s'imprégna du calme profond qui y régnait, beaucoup plus serein que la jungle dans laquelle ils voyageaient d'habitude.

Maintenant qu'il était seul, il avait l'occasion de réfléchir à ce qui s'était passé ce jour. Tous ces évènements presque fous, et les circonstances qui l'avaient mené à la mort. Un frisson glacé le parcourut lorsque le souvenir de cet instant resurgit. L'abandon, qu'il avait accepté alors qu'il n'était pas vraiment lui-même, et le désespoir qui l'avait accompagné en retrait, jusqu'au noir. Il ne se souvenait pas exactement de toutes ces secondes qui s'étaient écoulées, pendant qu'il se distillait dans le néant, mais il en gardait comme une séquelle.

« Peut-être plus tard en rirais-je, se dit-il. Je dirais : j'm'en fous, je suis déjà mort moi !! Et je rirais... Fier comme un con.

Peut-être ».

Ève l'avait tué...

Bien sûr, elle n'était pas elle même. Lui-même n'était pas vraiment Christophe à ce moment là.

Bien sûr...

La douleur de ses côtes fracturées était comme l'écho de la lame qui avait transpercé sa vie.

Ève l'avait tué.

Il pensait qu'il y avait un lien entre eux deux, quelque chose au-delà du jeu de séduction, un sentiment vrai et fort. Qu'elle et lui, comme avec toutes les autres filles du groupe, étaient unis par une profonde amitié, tissée par les épreuves qu'ils avaient vécues.

Mais elle l'avait tué, sacrifié pour une déesse arrivée dans sa vie quelques semaines plus tôt.

Il était mort, tandis qu'elle lui tournait le dos.

Toutes ses amies qu'il aimait tant l'avaient abandonné là, sur ce banc de pierre froide.

Il était mort, seul, et avait rejoint le néant.

Il avait la gorge serrée, et comme un nœud dans la poitrine.

Il se remémora cet instant terrible, et ce qu'il y avait eu, après...


Au noir insondable succéda une obscurité nuancée, de vagues contours, des formes sombres indéfinissables... Puis, soudain, une petite flamme naquit, à une cinquantaine de centimètres de son visage. Sa lumière envahit l'espace, accompagnée par le retour de ses sens.

Il existait ! Il n'était pas mort !

Ou était-ce cela la mort ?

Il était allongé dans un lit, entre des draps verts au soyeux incroyable. Leur contact était comme une caresse. Il était nu, découvert jusqu'à la taille. Sous ses épaules, des coussins moelleux du même vert. La lumière ne portait pas très loin, mais il croyait deviner des meubles.

Un froissement discret attira son attention sur sa droite.

La lumière s'accrut, ou peut-être ses yeux s'accommodaient-ils... Une femme à la beauté époustouflante sortit de l'ombre. Vêtue d'un déshabillé vaporeux qui ne cachait pas grand chose de sa splendeur, elle se mouvait avec grâce et langueur. Elle s'assit sur le bord du lit, passa sa main au dessus de lui et la posa de l'autre côté, s'appuyant dessus pour le dominer d'une posture étudiée. Elle avait de longs cheveux lisses d'un noir de jais, tombant jusqu'aux épaules sur les côtés et encore plus bas dans le dos, une frange bas sur le front, des sourcils fins et biens dessinés, et des yeux d'un vert presque luminescent. Des yeux dans lesquelles se perdait Christophe. Un sourire amusé accompagnait son regard taquin.

Vierge de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant