Vierge de sang

Chapitre 20 - 4

Les rayons de soleil jouaient avec le vent parmi les feuilles aux multiples couleurs. L'eau miroitait, de petits insectes aux larges ailes blanches planaient mollement. C'était le genre d'endroit où on avait envie de s'étendre dans l'herbe pour regarder le ciel, bercé par le son des deux cascades. Christophe tenait toujours la main de Kim, leurs doigts liés.

« C'est ici. » Déclara Ève.

Le jeune homme hocha la tête de côté. Étant donné l'absence de sortie autre que la route dont ils venaient, il y avait en effet beaucoup de chance pour que ce lieu soit leur destination, du moins celle d'Ève.

Christophe eut une petite moue dubitative qui fit rire Kim. Ève l'interrogea du regard. Elle n'affichait aucune crainte. Il haussa les épaules : « Et on est censé faire quoi maintenant ?

- J'en sais rien, répondit-elle. Descendons au temple !

- On pourra au moins y prendre un bain, releva Kim.

Ouais » approuva Julie avec le sourire franc qui la caractérisait si bien « Il faut en profiter tant que le soleil est haut ».

Ils se mirent à descendre la pente douce avec entrain, tandis que Christophe maugréait tout bas : « J'suis pas sûr qu'on nous ait fait venir ici juste pour prendre un bain... ».

Bagheera, très à l'aise, batifolait à quelques mètres d'eux, accompagnant leur progression dans les herbes hautes. Lorsqu'ils arrivèrent devant le pont de pierre qui enjambait le cours d'eau, le fauve se rapprocha pour venir sentir les statues félines qui accompagnaient les deux statues de guerrières en armes, de chaque côté du passage. Leurs armures étaient constituées d'un plastron couvrant tout leur buste, aux détails finement ciselés, allant même jusqu'à reproduire les marques de coups. En dessous, elles portaient une tunique qui descendait jusque sous le genoux, laissant entrevoir les jambières lassées qui protégeaient leurs tibias. Toutes deux portaient solennellement une lance, penchant leur visage en avant pour en toucher la lame du front.

Malgré leur crâne rasé, elles étaient d'une beauté certaine, non pas par la finesse de leurs traits, mais plutôt à cause de la sérénité qu'elles affichaient.

« Des Intouchables... » murmura Ève en caressant la pierre d'un de leurs bras fuselés. « Elle aurait pu être Lyzéa.

- Tu as toujours de la peine pour elles ? demanda Samya.

- Oui, admit-elle après une grande respiration. Toujours ».

Bagheera s'engagea sur le pont en trottinant et s'arrêta en son milieu pour les regarder. Celui-ci n'était pas très long, huit mètres à peine. Le cours d'eau en lui même n'était pas bien impressionnant, un gros ruisseau peu profond, dont on distinguait clairement les galets qui en constituait le lit.

« Il y a un courant, fit remarquer Julie.

- L'un des bassins de réception doit être plus bas que l'autre » proposa Christophe en réponse.

De l'autre côté du pont, une allée pavée d'une pierre rose veinée de gris et d'un vert-bleuté s'étendait en ligne droite jusqu'au bassin circulaire. Une frise de pierre blanche en délimitait les bords et formait une rigole dans laquelle l'eau du bassin s'écoulait pour venir se jeter dans le ruisseau.

Ils s'engagèrent sur la place comme l'auraient fait des touristes, l'œil curieux et admiratif, sans penser vraiment à grand chose si ce n'était à la beauté du décors.

Le bassin central était entouré d'autres statues de femmes, en robe aux bras dénudés, des prêtresses d'après Ève, et de quelques bancs. L'un de ceux-ci, sur le bord opposé à celui par lequel ils arrivaient, était plus large que les autres, presque comme un autel de cérémonie. Mais de là où ils étaient, il leurs était impossible de deviner si des écrits ou des symboles étaient gravés dessus.