Chapitre 11 : Champ de ruine

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Deux heures s'étaient écoulées en recherches vaines. Les seules traces de Bagheera, découvertes dans une ruelle poussiéreuse, s'étaient évanouies au bout de quelques mètres. Comme si leur amie s'était volatilisée, ou plus probablement avait bondi de mur en mur...

Ève était anxieuse, et les choses qu'ils avaient vues depuis qu'ils avaient pénétré dans cette ville étaient loin de la rassurer.

La plus étonnante qu'ils aient pu observer était le phénomène qui avait attiré l'œil de Christophe près de la tour blanche. Un homme, courait d'un point à un autre, puis disparaissait pour réapparaître à son point de départ, inlassablement, toujours avec les mêmes gestes.

Il était habillé d'une tunique aussi noire que la nuit la plus profonde, avec une cape du même tissu, qui dansait avec légèreté derrière lui lors de sa course. Il ne restait plus que des lambeaux de la botte qu'il portait à la jambe droite, et des traces sanglantes sur ses mollets donnaient l'impression qu'une créature aux dents tranchantes avait essayé de la happer. A sa ceinture argentée, de petits ronds de lumières vives scintillaient comme des joyaux, espacés régulièrement de chaque côté de la boucle en onyx. Ils étaient assez grands pour qu'on puisse y glisser les doigts, et en voyant les griffes noires qui ornaient ses mains, Christophe fit le rapprochement avec la ceinture pleine de petits tubes que portait le sorcier contre lequel Asha avait lancé une créature d'un autre monde.

Mais ce sorcier qui s'enfuyait là était d'une toute autre trempe.

Son visage, sa tête même pour tout dire, était effrayante. Il était chauve, le teint halé, les traits secs et anguleux. Des petites pierres noires et lisses étaient incrustées dans sa peau en une ligne régulière, depuis le front, jusqu'à la nuque, en une succession de pierre de plus en plus petites, la plus grosse sur le front faisant environ deux centimètres de diamètre.

Il n'avait pas de sourcil. A la place des petits diamants surlignaient les arcades. Il ne semblait pas s'agir de piercing, mais d'une espèce d'incrustation, à l'instar des pierres noires.

Ses yeux à l'éclat doré, sans iris ni pupille, auraient pu sembler aveugles s'il n'avait pas eu ces fréquents regards par dessus son épaule durant ce qui ne pouvait être qu'une fuite éperdue.

Dans les derniers moments visibles de sa course, il sortait d'une poche intérieure un prisme violet aux reflets iridescents et le portait à hauteur de son visage. Il murmurait des mots inaudibles, mais butait sur quelque chose, à présent invisible, faisait quelques pas maladroits pour rétablir son équilibre, et perdait son prisme qui venait se briser au sol.

Et tout disparaissait, l'homme en noir, le prisme, les traces de sang.

Et tout recommençait.

Le malaise qui les avait étreint à la vision de cette scène ne s'était arrêté que bien après avoir quitté les lieux.

« Lui piégé dans temps, avait expliqué Dado. Pas mort... mais pas vivant ».

Cependant malgré l'horreur de cette situation, cela n'était rien en comparaison de ce qui se révéla à leurs yeux lorsqu'ils approchèrent du centre de la ville. Au détour d'un large rue dont quelques murs tenaient encore debout, ils contemplèrent l'une des gigantesques doubles portes donnant sur ce qui, selon les dires de leur guide, avait été la cité intérieure. Au pied de celle-ci un démon se débattait au ralenti dans une agonie éternelle.

C'était Christophe qui avait utilisé le terme de démon pour nommer cette créature de cinq mètres de haut. Son apparence lui faisait en effet penser à ces descriptions de créatures des plans inférieurs dont sont truffés les jeux de rôles. Dado avait opiné de la tête en entendant ce terme, en ajoutant qu'il s'agissait d'un « grand » démon.

Vierge de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant