Vierge de sang

Chapitre 30 - Le village

Une fois Christophe et Ève complètement remis de leurs blessures, le groupe décida de retrouver l'ancienne route impériale. Ils rebroussèrent donc chemin, comptant sur leur mémoire plus que sur les traces laissées.

Le deuxième jour, un peu après le début de la matinée, ils repérèrent une grosse colonne de fumée montant au-dessus de la jungle, en direction de l'est. Ce n'était pas dans la direction qu'ils comptaient suivre, mais ils ne pouvaient raisonnablement pas ignorer la possibilité de rencontrer des êtres vivants, aussi infléchirent-ils leur trajet.

Leur première estimation de la distance les séparant de l'origine du feu se révéla erronée. Ils pensaient mettre un couple d'heure pour l'atteindre, ils en mirent un peu plus de cinq. Durant le trajet, ils réalisèrent qu'il y avait plusieurs colonnes de fumée, très proches les unes des autres, mais elles n'étaient plus que des filets lorsqu'ils arrivèrent à proximité de leur source.

Échaudés par leurs précédentes rencontres, ils choisirent d'avancer précautionneusement, à l'affût d'un éventuel danger. Ils cherchaient certes à rencontrer des gens qui pourraient les aider à rentrer sur Terre, mais le contexte les poussait à la prudence.

Bagheera ouvrait la marche, quelques mètres devant Ève. Suivaient Christophe, portant à la main l'épée courte de Julie, puis Samya et Julie, arc en main, et finalement Kim, collant au plus près derrière Samya.

Bagheera s'arrêta soudain, pointant du museau vers la gauche du groupe. Au travers de la végétation, ils aperçurent les contours de constructions ressemblant à des huttes, certaines réduites en brandons encore fumant.

Au milieu des décombres d'une de celle-ci, on pouvait distinguer les restes d'un corps calciné.

Kim détourna les yeux aussitôt, tandis que la tension de chacun montait d'un cran. Ils se consultèrent tous du regard et décidèrent de continuer à avancer.

Après quelques mètres, la jungle s'arrêtait brusquement, révélant une clairière d'une centaine de mètres de diamètre. Dans la plus grande partie de celle-ci, se dressait un village, ou du moins ce qui en restait, principalement composé de longues huttes, dont ils ne voyaient que le dos.

Ève dit à Bagheera de rester dans la jungle, afin de ne pas effrayer un éventuel habitant, puis ils se mirent à progresser précautionneusement dans la première travée qui se présenta. Le passage faisait un peu plus de deux mètres de largeur, le sol était fait de terre, nue à force d'être parcourue. Avec prudence, ils préférèrent raser les murs composés de plusieurs couches de feuilles tressées, avançant en file indienne. Le vent qui soufflait dans leur dos leur apportait le bruit normal de la jungle, calme sans être silencieuse.

Soudain, le vagissement d'un bébé perça par-dessus le bruit du vent dans les feuillages, brutalement interrompu par le hurlement d'une femme, puis plus rien. Abandonnant toute prudence, Ève s'élança dans la direction du cri, à grandes enjambées rapides. Elle déboucha sur ce qui devait être la place principale. Au centre, une grande hutte sans mur terminait de brûler. Tout autour, le sol était jonché de corps, d'hommes, de femmes, d'enfants et de vieillards, une cinquantaine au moins. Ils avaient la peau brune, les cheveux noirs, avec des coiffures exotiques et nombres d'entre eux portaient des tatouages. Leur taille moyenne devait avoisiner le mètre soixante pour les hommes, un peu moins d'un mètre cinquante pour les femmes. Ils étaient tous morts violemment, éventrés, décapités, brûlés, la plupart sans doute en combattant, étant donné les armes disséminées autour des corps.

Sur la gauche d'Ève, à une dizaine de mètres, trois hommes à la peau pâle, agenouillés, partiellement habillés de vêtements fait de patchwork de peaux, étaient occupés à abuser d'une jeune adolescente, visiblement originaire du village, tandis qu'un quatrième à deux mètres d'eux nettoyait avec un tissu sanguinolent ce qui ressemblait au mélange d'un marteau de guerre et d'une pique, au-dessus du corps sans vie de plusieurs bébés.