Bagheera, les pattes avant appuyées sur un gros rocher, contemplait avec attention la vallée en contrebas. Sa queue s'agitait avec nervosité.
« J'ai l'impression qu'il y a un truc qui lui plait pas » constata Ève, une dizaine de mètres derrière l'animal.
Ils remontaient une colline après avoir passé un col deux heures plus tôt. Dans l'air un peu frais, le soleil, haut dans le ciel, les réchauffait agréablement. Ève accéléra le mouvement pour rattraper le félin.
« Et je crois avoir compris pourquoi » compléta-t-elle une fois arrivé à sa hauteur.
A leurs pieds s'ouvrait une large et profonde vallée aux arbres immenses. A peine quelques mètres plus bas, la route commençait à s'émietter sous les assauts de la nature. Au bout d'une centaine de mètres, plus aucune ligne droite ne semblait émerger de cette flore sauvage, comme si la voie de pierre avait été engloutie sans qu'il n'en subsiste de traces, autres que quelques blocs retournés, comme soulevés de terre et éparpillés.
« Vous croyez qu'on va pouvoir suivre la route juste avec ces restes de pavés ? interrogea Julie à la volée.
J'ai comme un doute, répondit Christophe. Ils sont bien visibles ici, mais à mon avis, dès qu'on entrera dans la jungle, ils risquent d'avoir complètement disparus sous la végétation.
Et je vois pas trop où la route émerge, continua Ève en scrutant les autres côtés de la vallée. Ou alors là-bas, dit-elle en montrant du doigt la direction d'une corniche qui semblait bien plate, presqu'à l'opposé d'où ils étaient.
Ça pourrait bien être ça, approuva Julie. On traverse où on fait le tour ? »
Christophe contempla les montagnes alentours : « On a assez de repères pour traverser je pense.
Et puis il doit faire plus chaud en-bas, souligna Kim, j'aimerai bien passer une nuit un peu moins froide ».
Cela faisait une quinzaine de jours maintenant qu'ils avançaient sur la grande voie de pierre. Leur progression était rapide, mais monotone. Ils avaient traversé durant une dizaine de journées les hautes vallées de la chaîne montagneuse, empruntant des cols au climat rude, puis ils avaient commencé à redescendre. Une étape un peu plus longue quatre jours plus tôt leur avait permis de se réapprovisionner avant de reprendre la route de pierre.
A part quelques ruines, ils n'avaient pas croisé de traces de civilisation ni âme qui vive. Peut-être était-ce mieux ainsi, si les seuls êtres qui rodaient dans les environs étaient des sauvages et des Nocturnes.
Christophe profitait des pauses du soir pour s'entraîner avec Ève à réaliser le sort de lumière. Ils parvenaient tous deux à de bons résultats maintenant, quoique forts différents. La boule d'Ève était toujours plus pâle, mais elle réussissait maintenant à la poser en un lieu fixe. Quant à celle de Christophe, elle avait pris un diamètre plus satisfaisant.
Par leurs tâtonnements, ils avaient réussi à identifier certains des gestes qui influençaient les caractéristiques de la sphère, telle que son diamètre où sa position, mais ils n'avaient pas encore trouvé les mouvements parfaits.
Des trois autres, seule Kim avait également persévéré dans l'apprentissage de la magie, mais de manière moins assidue. Elle sentait maintenant quelque chose, comme Christophe au début, mais sans plus. Et puis, elle avait tout son temps, comme elle aimait à le dire.
Entamant cette nouvelle descente, Christophe observa Bagheera, quelques mètres devant eux. Elle marchait très souvent en éclaireur maintenant. Toujours plus ou moins à porté de vue, elle s'écartait parfois un peu de leur trajectoire pour explorer les abords proches, puis revenait dans la direction qu'ils comptaient prendre, sans attendre les ordres ou appels d'Ève.
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Vierge de sang
FantasyÈve courait, comme jamais elle n'avait couru. Elle sentait le terrain sous ses foulées, savait instinctivement où poser les pieds, elle était comme le vent qui file entre les arbres. Elle percevait avec une précision incroyable toutes les odeurs qui...