Chapitre 10 - 2

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Deux heures leur furent nécessaires pour arriver à la route de pierre, en empruntant une gorge étroite qui leur avait caché la cité la plupart du temps. Ce chemin ne leur avait permis d'obtenir aucun renseignement supplémentaire mais cela avait éliminé tout risque de croiser un des vents miroitants.

La route, large de près de cinq mètres et bien droite, était constituée de grands pavés de presque un demi-mètre carré. L'érosion n'avait que peu fait son œuvre, ce qui pouvait laisser suggérer que les ravages causés aux édifices étaient récents, géologiquement parlant. Quant à la végétation, qui généralement était la première cause de destruction des constructions artificielles, elle restait absente, pas même un simple brin d'herbe. Par contre à plusieurs centaines de mètres de là, la nature semblait reprendre progressivement ses droits, pour redevenir une véritable jungle plus bas dans la vallée.

A une dizaine de pas de la route, une rivière à l'eau claire serpentait fougueusement. On voyait distinctement les galets arrondis qui parsemaient son lit, mais aucun poisson ne descendait ou ne remontait le courant. Comme elle traversait la cité, ils préférèrent ne pas s'y abreuver.

Samya releva que cette absence de vie lui faisait penser aux effets de la pollution dans les films futuristes, et l'hypothèse qu'il puisse s'agir d'une sorte de radioactivité ne tarda pas à prendre forme.

Christophe, aussi inquiet que les filles, ne pouvait cependant pas renoncer à étancher sa curiosité. Une fascination plus forte que sa volonté le poussait à en découvrir plus. Il écarta leur dernière supposition, parce que l'anarchie du phénomène semblait n'obéir à aucune règle. La radioactivité, c'était de la physique. Dans le cas présent, il abondait dans le sens de l'hypothèse de Kim, aussi irrationnel que cela fut : la magie.

Et la magie les avait amené ici.

Bien sûr il ne connaissait rien en ce domaine. Cela pouvait se révéler extrêmement dangereux. Mais il existait peut-être une solution à leur problème en ce lieu, une porte, un passage...

Aucune des filles ne sembla convaincue par sa plaidoirie. Elles s'entre-regardèrent quelques instants jusqu'à ce que Julie déclare la première qu'elle n'était pas d'accord, imitée aussitôt par Kim. Ève, accroupie, tenait Bagheera dans ses bras. Le fauve observait les mouvements de lumière lointain avec un air inquiet, les poils de l'échine hérissés. La jeune femme lui caressa affectueusement le cou tout en soulignant qu'il fallait tenir compte de l'anxiété de leur amie à quatre pattes. Les animaux étaient censés être plus réceptifs aux dangers surnaturels non ?

Christophe, comprenant qu'il n'emporterait pas la décision se retourna vers la ville pour cacher son désappointement. Il se passa la main dans les cheveux, démêlant machinalement quelques mèches qu'il commençait à trouver longues. Il se gratta la nuque, observant les miroitements qui l'appelaient à quelques centaines de mètres de là.

Il aurait pu y aller tout seul... et les laisser là le temps qu'il fasse un tour pour voir... Mais cela aurait signifié qu'il considérait leur avis comme négligeable.

Samya posa la main sur son avant bras : « J'avoue que ça me fait un peu peur Chris. C'est trop silencieux. Même si c'est magnifique, ça me fait trop penser à quelque chose de mort ». 

Christophe soupira.

« Je sais, je sais, répondit-il. C'est sans doute plus raisonnable. Et puis vraiment si on ne trouve rien ailleurs, on pourra toujours revenir là ». 

Il se retourna vers les autres en souriant de son abdication, mais le mouvement de ses lèvres se figea tandis que ses yeux s'écarquillaient. Instinctivement les filles firent volte fasse sur la défensive et se pétrifièrent tout comme lui, incapables de faire un mouvement.

Vierge de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant