Ils repartirent très tôt, marchèrent toute la journée, et le lendemain soir, ils arrivèrent au Dédale. Les enfants étaient épuisés, mais les chefs n'avaient pas envie de camper là, les Nocturnes étaient trop près. Ils se contentèrent alors d'une nouvelle pause de deux heures, pendant lesquelles les khaadas concoctèrent avec les kiyés deux mixtures, une très liquide, qui sentait un peu comme de l'eucalyptus, et l'autre plus épaisse et fortement épicée. La première devait protéger contre les effets du dédale, alors que la seconde devait permettre à chacun de conserver toute sa vigueur et son acuité intellectuelle, pendant plusieurs heures, malgré la fatigue. Cela leur était nécessaire pour passer le Dédale, car ne devaient subsister à l'intérieur de celui-ci que les traces que les kyohnis voulaient bien laisser, pour tromper leurs poursuivants. Chacun devrait prêter une grande attention à ses mouvements.
Vu du col où ils se trouvaient, par cette nuit brumeuse, le Dédale n'était pas très impressionnant. On ne voyait qu'à peine quelques formes massives qui émergeaient de la brume, d'immenses blocs penchés dans un sens ou un autre, au-dessus d'un moutonnement presque immobile, comme une mer ouatée. Lorsqu'Isk-hi leur apprit que la vallée faisait quinze kilomètres en son point le plus large, sur presque quarante de longueur, Christophe changea d'idée, les blocs n'étaient pas massifs, ils devaient être gigantesques. C'était l'absence de perspective qui l'avait trompé, il y avait la suffisamment d'espace pour qu'on puisse s'y perdre indéfiniment.
« Aucun animal n'habite là, précisa Isk-hi. Seulement des esprits, lorsque l'orage gronde.
- Heu... quels genres d'esprits, s'inquiéta Kim.
- Des esprits morts, curieux. Des esprits qu'on ne peut pas comprendre. Ils n'agissent pas normalement.
- C'est à dire ? »
Isk-hi haussa les épaules : « Ils sont étranges. Ils peuvent être très mauvais, ou très gentils, parfois ils donnent, parfois ils prennent, parfois ils tuent. Leurs règles ne sont pas les nôtres.
- Ce sont des gosheruhns ? voulut savoir Christophe. Des empreintes du passé ?
- Nous ne savons pas. Nos sages nous conseillent d'éviter d'entrer en méditation ici. Cela rend fou.
- Vous conseillent... Cela veut dire que certains d'entre vous l'ont déjà fait ?
- Oui.
- Et ?
- Ils sont devenus fous.
- Ha... Bien sûr.
- Nous allons recevoir des foulards enduits d'huile. Il faudra les mettre sur notre visage quand nous serons dans le dédale.
- C'est un filtre ?
- Oui, un filtre qui protège contre les émanations de la vallée. Cela nous évitera de penser à l'envers »
La traversée du Dédale avait quelque chose d'irréel. C'était comme pénétrer dans un autre monde, un pâle monde de silence et d'impression. La brume était partout, extrêmement épaisse et mouvante, portée par un vent inconstant. Elle s'emmêlait autour des corps en des volutes enjôleurs, y déposant une humidité qui faisait frissonner. Chacun tenait la main ou touchait le corps de celui qui le précédait, les enfants avaient été encordés, et les plus jeunes étaient portés par des guerriers, à cheval sur leurs épaules ou sur leur dos.
Personne ne parlait, à peine quelques chuchotements, ou parfois une berceuse chantée tout bas pour apaiser un enfant, terrifié par l'ambiance oppressante des lieux.

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Vierge de sang
FantasyÈve courait, comme jamais elle n'avait couru. Elle sentait le terrain sous ses foulées, savait instinctivement où poser les pieds, elle était comme le vent qui file entre les arbres. Elle percevait avec une précision incroyable toutes les odeurs qui...