Vierge de sang

Chapitre 22 - 2

La nuit était déjà tombée lorsqu'Ève, Julie et Bagheera revinrent au camp. Sur le dos de cette dernière était ficelé un bovidé mort, qui devait bien faire dans les cinquante kilos. Néanmoins, ce qui attira l'attention de Christophe fut l'attirail inconnu que portaient les deux filles.

« C'est quoi tout ça ? » leur demanda-t-il lorsqu'elles eurent tout déchargé.

Avec humour, Julie regarda l'animal mort et répondit sur un ton d'évidence : « Bein à manger ! ».

Christophe montra les objets qu'elles avaient déposés près du feu, au-dessus desquels se penchait déjà Kim. La chasseuse à la peau d'ébène écarta les mains en écarquillant ses yeux au nacre si blanc : « un don du ciel.

- Nan, corrigea Ève, on a trouvé ça dans les ruines de la cité. C'était sur des morts. Je pense qu'il devait s'agir d'un groupe d'hommes qui cherchaient des trésors dans ces montagnes, comme nous avait dit Dado.

- Ils sont morts comment ? s'inquiéta Christophe. Des Nocturnes ?

- Non, je ne pense pas. L'un d'entre eux était coupé en deux. Je pense qu'ils ont été victimes de la créature qui gardait le coin.

- Tu parles de l'insecte géant ? demanda Kim.

- Oui.

- Pourquoi tu dis qu'il gardait le coin ?

- Comme ça, répondit-elle en regardant Christophe. Une intuition ».

Le blessé soutint le regard de la Vierge Guerrière, puis sans précipitation reporta son attention sur les objets rapportés. Il se drapa dans sa couverture et tenta de se relever avec maladresse. D'un mouvement vif, Ève se porta à ses côtés et le soutint. Il la remercia et s'appuya sur elle pour faire les quelques pas qui le séparait du foyer.

Sous ses doigts, Christophe sentit les changements qui s'étaient opérés dans le corps de la jeune fille. Elle avait toujours eu le corps ferme, mais à présent, il s'agissait de plus que cela. Sa chair semblait plus dense, pas vraiment plus dure, mais comme si elle était beaucoup plus compacte.

Il y avait par terre des armes et divers objets d'équipement. Pour mieux les étudier, Christophe s'agenouilla. Ève accompagna son mouvement, le tenant fermement pour ne pas qu'il ait à se plier. Il semblait y avoir une telle force en elle ! Christophe se sentait comme un pantin malhabile et fragile entre ses mains.

Il prit le premier objet qu'il avait devant lui pour l'observer de plus prêt, même il n'avait pas vraiment le cœur à ça. Il s'agissait d'une sorte de lanterne, ayant la forme d'un tube hexagonal d'une vingtaine de centimètres de haut. Partiellement rouillée, elle semblait cependant encore très solide. Quatre de ses parois étaient faites d'un verre à la transparence imparfaite, dont une fêlée de haut en bas, et les deux dernières étaient d'un métal gris et dur. Un anneau sur le capuchon permettait de la tenir, et il y avait une sorte de petit crochet à la base de cet anneau... qui bascula avec un petit déclic lorsque Christophe appuya dessus. Un coup d'œil à l'intérieur lui permit de réaliser qu'il venait d'ouvrir un petit renflement sous le couvercle. Une sorte de pâte blanchâtre en était tombée dans le fond et était maintenant partiellement mélangée avec un reste de pellicule grasse.

Intrigué, Christophe pris une brindille sur le sol, ramassa un peu de la substance pâteuse, et projeta le tout dans le feu. La première demi-seconde durant laquelle il ne se passa rien le laissa plutôt déçu, mais la véritable explosion de lumière qui s'ensuivit modifia son impression. Toutes les filles poussèrent un cri de frayeur, tandis que Bagheera, bien qu'un peu plus loin, faisait un bond impressionnant.

Christophe était aussi aveuglé que ses amies, mais répondit à leurs jurons par un rire de gosse idiot. Julie le bouscula pour le chahuter sans méchanceté, oubliant sur l'instant qu'il avait les côtes fracturées. La douleur subite arracha un cri de surprise au blessé, qui fut incapable de rétablir son équilibre par lui même. Il tomba de profil et continua de murmurer des « ouille ! ouille ! ouille ! » durant quelques instants, avant de se taire complètement.