Chapitre 5 : Corps à corps

17 4 0
                                    

L'inconnu, tout autour d'eux.

Ils n'étaient plus que six, au milieu de ce nulle part. Ils contemplaient les arbres gigantesques, la désolation massive causée par le crash du train, le monument de pierre qui se dressait vers le ciel, et leur petitesse dans ce décor disproportionné.

Quelle solution leurs restait-il ? Quel chemin prendre ?

Les bruits à présent presque familiers de la jungle avaient repris, sauf aux abords des arches. Autour de celles-ci régnait un silence pesant, comme si la magie qui y avait déferlée avait laissé une empreinte dissuadant les animaux de réinvestir les lieux..

Finalement Samya avait fait remarquer qu'il fallait s'occuper des morts, parce qu'on ne pouvait pas les laisser ainsi, sans sépulture.

La proposition n'avait même pas été débattue. Après avoir rassemblé tout ce qui pouvait leur être d'une quelconque utilité, dont les armes qui leurs semblaient à présent indispensables, ils étaient repartis en direction du massacre.

Ce ne fut pas vraiment une cérémonie, juste un grand brasier à l'odeur insupportable.

Il leur aurait fallu des jours pour enterrer tous les corps, mais ils n'avaient pas voulu les laisser aux charognards, dont ils devinaient les silhouettes sous les grands arbres.

L'un des moments les plus étranges fut sans doute celui où ils durent amener au bûcher le corps de la mère de Grégory, sans que ce dernier ne s'en aperçoive. Il était trop épuisé de toute manière, sa blessure le faisait souffrir et il avait dû s'allonger à cause de la fièvre. Mais l'inquiétude qu'ils avaient eu pour lui à la découverte du corps avaient changé les choses. Leur douleur était devenue différente, moins personnelle. Au moins, même si c'était loin d'ici, ceux qu'ils aimaient eux étaient sains et sauf, dans le monde normal.

Lorsqu'ils eurent terminé leur macabre tâche, la nuit était presque là.

Ils se sentaient empli d'une lassitude incommensurable.

Les flammes mirent du temps à prendre, mais ils n'arrêtèrent pas avant d'être sûrs que le brasier durerait jusqu'au bout. Ils voulaient qu'il consume tout.

Les larmes ruisselaient sur les joues des filles, Grégory s'était endormi d'un sommeil enfiévré, et Christophe était d'une pâleur cendreuse. Les reflets rouges qui dansaient sur son visage apportait un étrange contraste.

Il était tard, mais ils ne purent se résoudre à rester là.

Pour porter les corps les plus éloignés, ils avaient construit deux brancard de fortune, avec des branches et des lianes. Ils installèrent sur l'une Grégory et sur l'autre les affaires qu'ils pensaient pouvoir leur être d'une quelconque utilité, après quoi ils partirent loin de ce lieu atroce.

Ils passèrent le monument de pierre, puis longèrent la falaise sur plusieurs centaines de mètre, avant de s'arrêter sur une aire rocheuse un peu dégagée.

Derrière eux, on pouvait deviner au loin une rougeur maladive, fluctuant au gré de la fumée qui montait, indolente.

Devant eux, un ciel clair, illuminé de centaines d'étoiles inconnues, dont la beauté les laissait insensible.

A leur pied, une jungle épaisse emplissant une vallée profonde, séparée en deux par une rivière serpentine.

Sous eux, la roche tiède et dure.

En eux, un vide immense.


Vierge de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant