Chapitre 26 - 3

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La mâchoire de Christophe était restée à moitié ouverte. Il sentait une goutte d'eau froide, déposée sur sa tempe par une éclaboussure, s'écouler lentement jusqu'à sa joue.

A cinquante mètres de là, parmi les branchages qui parsemaient le bord de la rivière, la lumière de la plus grosse des lunes lui avait permis d'apercevoir une grande silhouette.

Cinquante mètres... Il y avait peu de chance pour que ce qu'il apercevait là-bas l'ait entendu. Mais la nuit était claire. Christophe n'osait pas bouger. Il était dans l'ombre de l'arbre aux grandes lianes, qui s'élevait à quelques mètres de là sur sa gauche. Peut-être n'avait-il pas encore été aperçu, mais chaque geste était un risque supplémentaire.

La forme humanoïde bougea, très légèrement. Puis soudain, elle se figea. Et Christophe sut, à la posture qu'elle avait prise, qu'elle l'avait vu.

Les filles étaient dans l'arbre. Elles avaient eu le bon réflexe, ne l'avaient pas appelé. Si elles ne bougeaient pas et ne faisaient pas de bruit, elles resteraient bien dissimulées. Mais lui ne pouvait plus aller vers elle.

Et la silhouette jaillit dans la lumière des deux lunes. De loin, cela ressemblait à un homme très grand, sans doute deux mètres, élancé et musclé, sans autre habit qu'un pagne, et portant une lance dans la main droite. Dans la nitescence nocturne, les ombres sur sa peau oscillaient entre le bleu et l'ocre, tandis qu'il courait vers Christophe en empruntant les bords du cours d'eau.

L'apprenti magicien ne prit pas une seconde pour observer le chasseur. Il jeta le sac de Kim à l'eau et se retourna pour courir aussi vite qu'il pouvait vers l'autre berge, vers l'aval. S'il ne pouvait le semer, il espérait au moins détourner son attention. Et puis il restait la cataracte. Christophe n'était pas spécialement bon nageur, mais s'il fallait sauter...

Il avait presque atteint l'autre rive, lorsqu'un mouvement un peu plus haut sur sa gauche attira son attention. Un autre Chasseur Nocturne, armé lui aussi d'une lance, venait de sortir de la jungle, à peine à vingt mètres de lui. Il semblait un peu plus petit, et portait quelque chose en bandoulière, sans que Christophe ne cherche à distinguer ce dont il s'agissait. Il était trop saisi par le choc. Il se sentait piégé.

Le temps qu'il se ressaisisse, ceux qui le pourchassaient avaient déjà gagné cinq mètres sur lui. Ils couvraient les deux côtés du cours d'eau. Ils ne lui laissaient pour solution que la chute d'eau, dont il ne connaissait même pas la hauteur.

Il redoubla d'effort, la fatigue envolée, effacée par l'adrénaline.

Sautant comme un cabri dans l'eau peu profonde, il progressait aussi vite qu'il pouvait.

Il n'était plus très loin du bord, mais un coup d'œil par dessus son épaule lui appris que le Nocturne le plus proche n'était plus qu'à six mètres de lui, et l'autre à vingt, ayant déjà dépassé l'arbre dans lequel les filles se cachaient. Christophe pria intérieurement pour que celles-ci ne fassent rien, car si le rêve prémonitoire d'Ève était juste, les Nocturnes devaient être au moins quatre, ce qui en faisaient encore deux qui ne s'étaient pas montrés.

Mais Christophe n'avait pas le temps de réfléchir, il ne lui restait qu'une solution : le seul sort offensif qu'il connaissait bien, la Main du soleil. Il avait appris ce sort pour plusieurs raisons, en dehors du fait qu'Ehntehag le lui avait conseillé : Christophe avait déjà quelques notions de la magie de lumière et ce sort était particulièrement efficace contre les Nocturnes, qui craignaient l'astre diurne. La Main du soleil concentrait l'énergie magique pour la transformer en véritable lumière solaire, qui jaillissait de la paume de celui qui le lançait. Il aveuglait temporairement une personne normale et, d'après Ehntehag, brûlait gravement les Akheraïs.

Vierge de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant