Seul face aux étoiles, Christophe tenta de contenir les émotions que ses souvenirs éveillaient en lui. Mais comment faire ? Il se sentait minable.
Minable parce qu'il n'avait réussi qu'à se faire blesser en combattant le gardien, minable parce qu'il avait peur qu'Ehntehag ait eu raison. Ève était la plus forte, elle n'allait pas tarder à acquérir plus d'influence sur le groupe. Elle deviendrait la chef, et lui...
« Christophe ? »
C'était elle. Ève. Non seulement elle avait acquis des capacités de combattantes incroyables, mais elle était devenue tellement silencieuse qu'il ne l'avait pas entendue approcher.
« Qu'est-ce qui ne va pas Chris ? »
Il se retourna pour lui faire face. Elle était dans sa tunique blanche à ceinture rouge, pieds nus.
« Tu n'as pas froid ? Lui demanda-t-il.
- Je n'aurais plus jamais froid, je crois.
- Oh... encore un pouvoir ? » Son ton n'avait pas été agressif, juste un peu amer.
Elle l'observa en silence. Son visage n'était plus aussi fermé que tantôt, Christophe y lut quelque chose de proche du doute.
« Je suis toujours Ève, Chris. Je... j'ai l'impression que tu t'es éloigné.
- Moi ?
- Tu m'en veux ? Parce que je t'ai planté ?
- Je crois que le terme est assez juste ».
Aussitôt qu'il eut prononcé ces paroles, Christophe voulut les ravaler. Elles en disaient plus qu'il n'avait pensé, ou peut-être ne faisaient-elles que révéler plus. Les larmes montèrent aux yeux de la nouvelle Vierge Guerrière : « C'était un rite Chris, juste un rite. J'étais pas au courant. Si je l'avais su avant, je te l'aurais dit.
- Et tu crois que j'aurais accepté de mourir pour que tu deviennes superwoman ?
- Mais tu devais revenir, ça fait partie du rite aussi ».
Elle lui saisit la main, qu'elle serra entre les siennes sans qu'il n'essaye d'esquiver le geste.
« Je te jure, le supplia-t-elle, c'était un rôle. Ce n'était pas vraiment moi, pas plus que ce n'était toi qui voulait abuser de moi dans cette scène. C'était symbolique.
- Symbolique ? Symbolique de quoi ? De la libération de la femme du joug de l'homme ? C'est comme ça qu'elle nous voit ta déesse ?
- Non ! Normalement ça devait être une renaissance pour toi aussi. Celui que tu incarnais devait revenir en homme assumant l'égalité, comme toi tu le fais avec nous.
- Il n'y a pas d'égalité Ève. Il y a des différences, des rôles, des qualités. Et il y a encore moins d'égalité quand ta cérémonie a pour effet d'inverser les rôles. En quoi as-tu besoin de l'homme maintenant ? Tu es une Vierge guerrière. Rien que le titre indique tout. Plus de sexualité, plus besoin de protection. A quoi servent les hommes dans ta religion ?
- Non, les Vierges Guerrières ne sont pas les prêtresses de la religion. Elles sont juste des gardiennes. Nous sommes dans un monde qui obéit à des règles différentes. Bien sûr, les symboles sont manichéens... mais ça ne change rien entre nous. Moi, Ève, j'ai besoin de toi. Tu es mon ami ».
Elle serra un peu plus sa main, pour l'amener contre son cœur et se rapprocher de lui. Brusquement, Christophe abandonna sa raideur et passa son bras libre autour d'elle.
« Je ne t'en veux pas Ève. J'ai juste peur de ce que tu es devenu. De ce que Aorila fera de toi.
- Je suis Ève, et je le resterai. J'ai accepté la bénédiction d'Aorila parce qu'il le fallait, mais si j'avais su que je devais te planter un couteau entre les côtes pour la cérémonie, j'aurais refusé.
VOUS LISEZ
Vierge de sang
FantastikÈve courait, comme jamais elle n'avait couru. Elle sentait le terrain sous ses foulées, savait instinctivement où poser les pieds, elle était comme le vent qui file entre les arbres. Elle percevait avec une précision incroyable toutes les odeurs qui...