Chapitre 30 - 2

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Ève lâcha le corps sans vie avec un air froid, sous le regard ébahi de ses amis, puis repartit en direction de la place centrale, suivie de Bagheera.

« Où est Kim ? S'enquit soudainement Christophe, ne la voyant pas avec Samya et Julie.

- Elle s'est évanouie en voyant le... carnage » révéla Julie, après une légère hésitation sur le terme à employer pour décrire ce qu'ils avaient vu.

Christophe ne fit aucune remarque et se mit à courir sur les traces d'Ève, se rappelant que leurs ennemis n'étaient, pour la plupart, que blessés.

Mais ces derniers étaient tous à terre, dans l'incapacité de faire du mal à qui que ce soit. Le premier, qui avait été transpercé par la lance d'Ève, gisait au milieu des décombres de la hutte qu'il avait percutée. Le second se tenait la poitrine en exhalant un râle lamentable, du sang plein la bouche. La flèche de Samya avait tué le troisième. Quant au quatrième, il était face contre sol, les fesses encore à l'air.

Tandis que Christophe réveillait Kim, Julie et Samya vinrent au côté de la Vierge Guerrière, agenouillée près de l'adolescente qu'ils avaient secourue. Complètement nue, elle avait une épaule clouée au sol par une pique de métal, son arcade sourcilière droite saignait abondamment et ses deux lèvres étaient fendues. Des larmes séchées maculaient son visage de trainées de poussière, mais ce n'était pas Ève qu'elle regardait. Son visage et ses yeux, habités d'un désespoir insondable, étaient fixés sur le tas de bébés assassinés.

Ève pleurait sans bruit en tenant la main de la suppliciée. Les deux autres jeunes filles étaient tout aussi bouleversées.

« Il faut retirer le truc qu'elle a dans l'épaule, déclara fermement Julie.

Elle risque pas de faire une hémorragie ? s'inquiéta Samya.

Si, répondit Ève. Mais peut-être que Kim a encore quelque chose dans son sac à herbes... »

A quelques pas d'elles, un des corps parmi les morts bougea, les mettant toutes sur le qui-vive. Une tête aux cheveux filasses tourna son petit visage ridée vers elles. La vieille femme prononça quelques mots incompréhensibles en se redressant à moitié, puis se releva complètement en extirpant son corps rabougri de dessous le cadavre d'un indigène.

Du sang maculait sa peau et ses vêtements, mais elle ne portait aucune trace de blessure.

Ils la regardaient tous avec étonnement.

La petite vieille inclina plusieurs fois son buste, les mains jointes sur la poitrine, et s'approcha en continuant de saluer les trois jeunes femmes. Puis elle s'agenouilla à côté de l'adolescente clouée au sol et lui caressa le visage en murmurant des mots tout bas.

Sa voix tremblait autant que sa main, et des petits claquements de langue accompagnaient la plupart de ses phrases. Il lui manquait plusieurs dents, elle avait un corps sec, couvert d'une simple tunique de tissu brun, et cintrée par du tissu de la même origine. Sa peau, tannée par le soleil, contrastait avec le gris de ses cheveux et le gris très clair de ses yeux.

Elle montra à Ève la pique de métal en parlant dans sa langue aux sonorités claquantes, puis, alors que la Vierge Guerrière allait saisir l'objet, elle la retint et lui montra le plat de la main, en un signe universel d'attente. Elle se releva, clopina vers une hutte à moitié brûlée et pénétra à l'intérieur. Après quelques instants, elle en ressortit les bras chargés d'un petit mortier, de divers petits sacs de peau et d'une outre.

Elle vient déposer tout son matériel à côté d'Ève, puis se retourna vers Christophe qui venait d'arriver avec Kim, et s'inclina deux fois dans sa direction, les mains jointes sur la poitrine, accompagnant ses gestes des mêmes paroles incompréhensibles qu'elle avait prononcées plus tôt. Elle se remit ensuite à la tâche, mélangeant dans son mortier diverses herbes, quelques têtes d'insectes séchés, un peu d'eau et une poudre de couleur brune.

Vierge de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant