Chapitre 36 - 2

6 1 4
                                    

Julie cilla, incertaine. Un court frisson d'appréhension parcourut sa nuque, lui laissant une désagréable impression. Elle planta alors Kim sur place et, suivant son intuition, prit la direction dans laquelle avait regardé Samya. Autour d'elle les Kokoris et les Nesqs étaient tout à la fête. Elle ne put que présenter ses excuses en se frayant un passage, même s'ils ne la comprenaient pas, pour déboucher à une dizaine de mètres de la cage, vide.

Ni le kiyé ni le khohu n'étaient visibles. La cage avait été brisée, de l'intérieur semblait-il, d'après les éclats de bois qui jonchaient le sol.

Elle perçut un mouvement du coin de l'œil, et tourna la tête pour voir Samya s'enfoncer dans la jungle, en courant, l'arc à la main.

Julie hésita, elle avait l'esprit un peu embrumé, mais elle savait qu'il fallait faire quelque chose, agir, tout de suite. Elle regarda rapidement derrière elle, les indigènes dansaient et chantaient sans s'être aperçus de rien. Elle aurait pu tenter de leur expliquer, mais quoi ? Comment ? Personne n'était là pour traduire.

Près d'une hutte, elle vit plusieurs épieux de guerre entreposés. Elle courut en saisir un, puis s'élança à la poursuite de son amie. Ce faisant, elle passa à côté de la cage et s'arrêta net en voyant des tâches brunes au sol. Elle les toucha du bout des doigts... Du sang !

Emplie d'un sentiment d'urgence, elle se mit à courir aussi vite qu'elle pouvait dans la direction que Samya avait prise. Elle criait son nom, mais le bruit de la musique était trop fort.

La jungle était dense, il n'y avait pas de sentier. Julie courait vite, sans cesser d'appeler son amie. Elle courait. Des branches couvertes de feuilles grasses cinglaient son visage, l'empêchant de bien voir. Elle trébucha, reprit son équilibre, se cogna l'épaule contre un arbre au tronc rugueux, qui l'écorcha jusqu'au sang. Ce n'était pas bien grave, mais cela lui fit reprendre ses esprits. Elle s'arrêta net.

Où était-elle ?

Elle entendait encore distinctement la musique et les chants, elle n'était pas très loin du village, mais la configuration du terrain ne lui disait rien. Elle n'était jamais venue par ici.

Elle appela de nouveau Samya, puis se dit que ce n'était pas très intelligent de sa part, de s'être ainsi lancée à sa poursuite. Mais si...

Elle se sentit saisie si soudainement que la surprise lui fit manquer un battement de cœur. C'était comme si une multitude de mains lui avait attrapé les bras et les jambes, la soulevant instantanément. Le seul réflexe qu'elle eut, fut de serrer fermement son arme, pour ne pas la perdre. En un éclair, elle se sentit projetée, propulsée même, vers un arbre au tronc imposant. Le choc la fit rebondir comme un pantin et s'effondrer au sol, inconsciente.

Elle reprit ses esprits, sans savoir combien de temps s'était écoulé. Tout ce qu'elle vit fut cet hideux visage au dessus du sien, en même temps qu'elle se sentait maintenue comme dans un étau. La peur fusa dans chaque pore de son être, si complètement que plus d'une seconde s'écoula avant que le cri qui restait bloqué dans sa gorge ne fuse, en pure expression de terreur.

La créature avait un cuir couleur de nuit, d'un bleu si sombre qu'il en était presque noir. Elle avait un visage presque humain, ne serait-ce sa large bouche garnie de crocs, et ses yeux, comme deux minces fentes blanches sous des arcades sourcilières prononcées. Ses pommettes saillantes étaient constellées de petites protubérances, comme des marques de scarification, tandis que sa mâchoire carrée se terminait sur un menton garni de deux petites pointes de corne. Il n'avait pas de cheveu, tout juste une espèce de toison filasse et suintante de graisse, entre laquelle émergeait deux cornes sur la partie supérieure, et une large oreille pointue de chaque côté.

Vierge de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant