Chapitre 38 - 2

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Christophe avait pensé ne pas se rendre à la clairière ce matin. Il savait que Sissima viendrait, qu'elle le tenterait, à nouveau.

Déjà hier, il avait succombé. Même si ce n'était pas avec elle, c'était à cause d'elle.

Il changea d'avis plusieurs fois, hésitant. Puis finalement, il se dit qu'il pouvait l'affronter. Il avait de la volonté non ? Il savait à quoi s'attendre maintenant. Il était prêt. Il fallait juste l'ignorer. Et puis quoi ? Il ne pouvait pas se cacher d'elle éternellement. Tôt ou tard il la croiserait dans le village, et mieux valait régler le problème avant. La repousser définitivement, quitte à être dur.

Il avait dit à Iiyabi de ne pas venir aussi. Il jeûnerait aujourd'hui. Il ne voulait pas cette double tentation. Le soir précédent, elle l'avait déjà regardé différemment.

Il pouvait résister. Non ?

Arrivé dans la clairière, un peu en retard par rapport à d'habitude, il vit Sissima, déjà là. Elle avait apporté une outre et un panier avec des fruits. Elle portait un pagne de tissu rouge, fendu haut sur les deux côtés. Un bracelet d'or ouvragé ornait son biceps droit. Assise gracieusement dans l'herbe, aplatie à force d'être foulée, elle terminait de mettre des bracelets portant des kisk'he, de petits fruits à l'écorce dure, que les Kyohnis faisaient sécher pour qu'il ne reste plus que les graines à l'intérieur, et qu'ils utilisaient comme espèces de grelots au ton sec, pour certaines danses rituelles. Elle en portait aux chevilles et aux poignets.

Elle se leva aussitôt qu'elle eu finit, alors qu'il n'était plus qu'à quelques mètres d'elle. Souple et gracile, elle le salua en se pencha bien bas, écartant les bras, poignets cassés, comme la danseuse qu'elle était. Ses cheveux ruisselaient des deux côtés de son visage, elle était magnifique.

Elle le prit par la main et l'amena à s'assoir, à côté du panier.

« N... » voulut-il dire, mais elle l'interrompit d'un doigt posé sur les lèvres. Il sentit fortement son parfum sublime, comme si elle venait juste d'utiliser ses mains pour en mettre sur elle.

« Je vais danser pour toi, dit-elle dans un français très correct.

N..Non » parvint-il à répondre tout bas, un « non » d'une velléité infinitésimale.

« Si » affirma-t-elle tout aussi bas, un « si » d'une certitude inébranlable.

Et puis elle mit chacune de ses mains sur une des joues à la barbe naissante, penchée sur lui, et l'embrassa tout doucement en tirant son visage vers elle. Ses lèvres avait un goût de geeba, un goût qui s'immisça dans la bouche de Christophe et envahit tout son palais. Elle se recula avec un petit rire joyeux, et le froncement de sourcils de sa proie se mua en sourire hésitant.

Il ne lutta pas plus, captivé par les mouvements fluides qu'elle imprimait dans l'air. Ses kisk'he bruissaient, caquetaient, murmuraient, en fonction des gestes qu'elle faisait. Elle était belle, désirable, chaque courbe de son corps était d'une féline perfection. Elle était l'incarnation de la fougueuse jeunesse qui émeut, parce qu'expression vitale sublimée. Elle dansait, tournait, virevoltait autour de lui, et son parfum l'entourait, le recouvrait. Elle prononçait des mots auxquels il ne faisait pas attention, bien qu'ils fussent en français, parce qu'il la buvait des yeux. Sa rétine s'imprégnait d'elle, occupait tout l'espace que son cerveau pouvait assimiler.

A certain moments, lorsqu'elle passait tout prêt de lui, il voulait la toucher, mais elle s'esquivait, lui laissant une fugitive impression de frustration, jusqu'à ce qu'il ne fut plus qu'une somme de désirs incarnés, chaque parcelle de son être aspirant à son contact.

Et puis, finalement, elle se planta devant lui, qui levait son visage vers elle, implorant.

Elle le repoussa en arrière, il se laissa tomber sur le dos.

Vierge de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant