Chapitre 44 - Sensitive... et sensible

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« Je me sens lourde Jaïba. Quand il faut faire le petit mouvement circulaire là, avec les petits sauts, j'ai mes seins qui tressautent dans tous les sens, j'ai l'impression que c'est ridicule ! Je pourrais jamais faire ce mouvement aussi gracieusement que toi ou Sissima ! »

Assise sur ses chevilles, Kim reprenait sa respiration en maudissant la lourdeur de son corps. Pourtant, elle avait beaucoup maigri depuis leur arrivé sur ce monde, Christophe lui avait dit une fois qu'il la trouvait parfaite, et elle l'avait cru. Mais parfaite pour faire l'amour avec lui n'avait rien à voir avec parfaite pour apprendre à danser comme une khaada.

« Tu dois adapter la danse à ton corps, et pas le contraire, répondit la femme aux yeux surlignés de noir. Il faut des années pour que la danse forme les muscles. Tu n'auras pas tout ce temps. Et même, tu resteras toujours avec ta poitrine de femme fertile ».

Jaïba parlait en kyohnis, que Kim comprenait parfaitement maintenant, alors que la jeune asiatique s'exprimait la plupart du temps en français. Ce n'était qu'avec les autres membres de la tribu qu'elle baragouinait kyohnis comme elle pouvait.

Le cours durait depuis presque trois heures, et encore une fois Kim était sur les rotules, malgré les pauses durant lesquelles Jaïba expliquait le lien entre les mouvements de la danse et la magie des femmes. Depuis plus d'un mois qu'elle faisait ça, Kim avait bien progressé, et pourtant, à chaque fois elle finissait les cours épuisée. Jaïba était une tueuse pour l'apprentissage, elle ne la lâchait pas, même quand Sissima participait au cours, la khaada s'occupait principalement de la petite asiatique et la menait au bout de ses possibilités.

« Je ne sais pas combien de temps je dispose avec toi, s'était-elle justifiée. Je te donnerais le plus possible ».

Ça c'était clair, elle lui donnait. Même parfois des coups de badines pour rectifier les positions de son corps. Mais Kim ne rechignait pas, l'implication dans les cours de danse et de magie de la sorcière nesq lui faisait oublier l'absence de ses amis. Julie venait parfois assister au cours, elle faisait des exercices pour retrouver la forme, et Jaïba la soutenait. Quand à Sissima, elle leur servait de boniche depuis son comportement inacceptable avec Christophe. C'était une bonne punition, mais Kim n'en abusait pas, ce qui n'était visiblement pas le cas d'Iiyabi, qui avait la rancune plus tenace.

Sur les ordres de Jaïba, Kim se mit à faire ses assouplissements d'après cours. C'était son passage préféré, mais c'était aussi souvent à ce moment qu'elle pensait à ses amis partis si loin. Cependant, aujourd'hui, son esprit était plus préoccupé par les leçons du matin, qui avait porté sur le philtre d'absence, une potion qui permettait à celui qui la buvait de laisser son esprit libre de pensées. Le savant mélange avait plusieurs rôles, en fonction des dosages des différents composants. Kim l'avait associé à une sorte d'antidépresseur, mais il pouvait aussi servir à embrouiller l'esprit, voire à affecter la mémoire à court-terme, ou même d'anesthésiant. Mais il y avait tellement de plante dont il fallait retenir le nom, que Kim avait perdu celui de la plus essentielle. Et après le bain qui suivait les cours de danse Jaïba demandait toujours un résumé complet de ce qui avait été appris le matin.

En pensant à ces plantes, les yeux de Kim dérivèrent sur les tatouages qui ornaient le corps sublimes de la khaada, qui faisait ses assouplissements en face d'elle. Leur magie la fascinait toujours autant.

« Je comprends toujours pas comment ça marche tes tatouages. Comment tu peux contenir des choses dedans, comment tu dis à une feuille ou a une fleur de se... se recroqueviller là, pour garder de la poudre.

- Ce n'est pas une chose qui se dit. C'est une chose qui se sent. Une fois que le tatouage est sur ton corps, il devient une partie de toi, une extension de toi, comme de nouveaux membres. Je ne demande pas à une fleur de recueillir la poudre de sommeil, j'ouvre la fleur comme j'ouvre une main, y dépose la poudre, puis la fait redevenir bouton, comme je referme une main. Et lorsque j'en ai besoin, je réouvre ces mains.

Vierge de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant