Le village était sur le pied de guerre.
Des femmes rassemblaient de la nourriture, courraient en tout sens, des hommes s'armaient, et un important groupe de guerriers discutaient ardemment avec Inüh, le chef de la tribu, et Iyuh. À côté d'eux, Ève écoutait avec attention, les sourcils froncés, Bagheera sagement assise à ses côtés.
Lorsque le petit groupe de français arriva à leur niveau, Christophe entendit dire qu'ils arrivaient dans moins d'une heure. Mais on était encore au milieu de l'après-midi, pensa-t-il immédiatement il ne pouvait pas s'agir des Akheraïs, les Chasseurs Nocturnes ne voyageaient jamais en pleine journée !
« Qui arrivent ? demanda-t-il à Ève.
Les survivants des Asquesh. C'est une tribu qui vit au nord-ouest, il en reste tout au plus une quinzaine a dit Ojoro.
- Ils étaient combien à l'origine ?
- Un peu moins de deux cents, d'après ce que j'ai compris ».
L'horreur et l'hébétement apparurent sur les visages du petit groupe.
« Les Nocturnes ou les Shoakss ? Voulut savoir Julie.
- Nocturnes.
- C'est pas possible ! S'exclama Christophe. Iyuh dit qu'ils se déplacent toujours par petit groupe de quatre ou cinq ! Ils n'ont pas pu tous les tuer !
- Il y en a beaucoup plus. Ojoro a dit que les survivants ont parlés de dizaines de Nocturnes. Des dizaines...
- Où est-il ? voulut savoir le jeune homme. Ojoro ?
- Il est parti. Il va avertir les tribus qui sont les plus proches.
- Et nous, qu'est-ce qu'on fait ?
- D'après ce que j'ai compris, Inuh parle d'évacuer le village. Ils discutent actuellement du meilleur endroit ou se rendre.
- Ils ne veulent pas se battre ?
- Non. Je leur en ai parlé. Inuh dit que cinq nocturnes sont plus dangereux que cinquantes shoakss. Alors s'il y en a des dizaines...
- Mais c'est pas possible. Vous en avez tué trois à vous toutes seules !
- Je sais. J'attends que la pression soit retombée pour en parler avec Iyuh. En attendant, on ferait mieux de rassembler ce qu'on veut emporter, parce que quel que soit le choix final, on va abandonner le village. »
Les préparatifs de départ furent expédiés avant même que les membres de la tribu des asqueshs fussent arrivés. Plusieurs chasseurs étaient partis à leur rencontre, pour les aider. Les survivants étaient exténués. Ils étaient quatorze en tout, douze hommes, tous des chasseurs vigoureux, et deux jeunes femmes, des cueilleuses aux pieds sûrs. Les seuls qui avaient pu courir assez vite et loin pour parcourir la distance qui les mettrait à l'abri de leurs poursuivants. Quatre jours plus tôt, leurs gardiens les avaient avertis, ils avaient senti que la forêt retenait son souffle. Il ne pouvait s'agir que des Akheraïs. Au contraire des Shoakss, qui étaient en rupture avec la nature, les Chasseurs Nocturnes ne perturbaient pas la forêt. Ils ne faisaient qu'influencer son état d'esprit en apportant leurs âmes sombres, avides de sang.
Pour les kyohnis, les Chasseurs Nocturnes étaient en quelques sortes la partie obscure de la nature, les prédateurs ultimes. Les membres de cet ancien peuple qu'étaient les Kyohnis se considéraient comme la partie claire, ceux qui animaient la forêt de leurs âmes empruntes de joies et de bonnes valeurs, alors que les Akheraïs constituaient leurs opposés, le mal issu de forêts inconnues, leur plus grand ennemi, parce que le plus redoutable.
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Vierge de sang
FantasyÈve courait, comme jamais elle n'avait couru. Elle sentait le terrain sous ses foulées, savait instinctivement où poser les pieds, elle était comme le vent qui file entre les arbres. Elle percevait avec une précision incroyable toutes les odeurs qui...