Vierge de sang

Chapitre 41 - 3

Christophe regarda derrière lui, le mur de lumière blanche, avec inquiétude. Il avait conscience d'être bloqué ici. Était-ce un piège ?

Se déplacer parmi les cristaux était incommode, surtout que certains d'entre eux, semblables à de fines aiguilles, étaient particulièrement pointus. Il se rapprocha de la statue bleuté avec précaution, jusqu'à être en face d'elle, de l'autre côté du petit bassin naturel.

Il était venu pour cet être, attiré par quelque chose qui n'était pas que de la curiosité. Il s'était senti touché par sa douleur.

La statue redressa la tête, et tous les poils sur la nuque de Christophe se dressèrent aussitôt, en même temps qu'un frisson d'appréhension le traversait. Il devinait que cette chose était vivante, et il avait déjà vu des faits étranges sur ce monde, mais ce n'était pas pour autant qu'il y était habitué. Il n'avait pas peur, mais il était mal à l'aise.

« Je t'attendais, dit la statue.

- C'est étrange, lorsque je suis entré en contact avec vous, tout à l'heure, vous sembliez loin, comme si une partie de votre conscience était... endormie.

- C'était le cas. Tu m'as réveillé.

- Oh... Euh... Désolé.

- Non, c'était prévu. Comme je t'ai dit : je t'attendais.

- Ah.

- Mais soit rassuré, je ne suis pas un ennemi. Au contraire...

- Hmmm... C'est à dire... Vous comprendrez que je conserve quelques réserves sur le sujet.

- Je comprends.

- Qui êtes-vous ?

- Toi.

- Pardon ?

- Je suis toi. Enfin, pas complètement. Je suis un possible toi. Je suis un reflet qui s'est perdu dans le temps. »

Christophe resta trois longues secondes à contempler la statue de cristal, avant de reprendre avec une petite moue mi-dubitative, mi-dégouttée : « Je vais ressembler à ça ?

- Non. J'ai pris cette apparence pour... attendre. »

La créature sortit de l'eau laiteuse, et se redressa face à Christophe, qui avait reculé de deux pas. Elle était aussi grande que lui. Des fissures rouges naquirent sur le cristal qui la composait et se répandirent, puis enflèrent, dévorant la matière minérale pour laisser derrière elles une chair nue, lisse, exempte de toute pilosité. Puis les poils, les sourcils et les cheveux se mirent à pousser, à une vitesse surnaturelle. En quelques secondes, Christophe avait devant lui un autre lui-même, subtilement différent. Son autre était plus musclé, il n'avait aucune cicatrice, il semblait avoir à peu près le même âge, physiquement, mais pourtant Christophe avait l'impression qu'il était plus vieux, quelque chose dans le regard, dans l'expression faciale.

« Tu es moi plus tard alors ? Reprit le jeune mage.

- Je suis une possibilité de toi. Je suis un choix. Je... tu t'es retrouvé à un moment spécial, un croisement de ta vie, où tu devais décider quel chemin prendre. Et je suis ce qui a découlé de ce choix.

- Oh...

- Et je suis venu te dire, qu'il ne fallait pas faire ce choix.

- ... Ah.

- Peut-être même, de tous les choix possibles, étaient-ce l'un des plus mauvais, même s'il semblait le plus... audacieux, et... merveilleux.