Chapitre 36 - Trois bandes... ou presque

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Malgré l'inquiétude qui l'habitait, Julie était fascinée. Même si une partie de son esprit était préoccupée par l'absence de Christophe, le rythme des percussions avait réussi à la capter.

La cérémonie se déroulait sur la partie est du village, que les Nesqs avait dégagée sur une trentaine de mètres, coupant les arbres et les arbustes présents, et désassemblant les trois habitations qui y avaient été installées. D'après ce qu'elle avait compris, ils allaient ensuite redessiner le village, pour construire là de quoi abriter les survivants kokoris. Les deux tribus allaient cohabiter plusieurs mois, voir quelques années, le temps que soient formés de nouveaux khohu, kihé et khaada.

La cérémonie n'avait cependant rien à voir avec cela. Elle était plutôt liée à la présence de la créature meurtrière qui rodait dans les environs. Deux des khokuhns, ces hommes qui tenaient lieu de gardiens sacrés, avaient capturé un fauve très impressionnant. Il devait faire plus de quatre-vingt-dix centimètres au garrot, peut-être un mètre, avec un pelage brun et une crinière rousse autour du cou, assez courte, mais qui se prolongeait loin sur l'échine. Il avait un corps fin, mais le mouvement de ses muscles déliés sous sa fourrure, alors qu'il tournait en rond dans sa cage, indiquait une puissance prête à se déchaîner à la moindre occasion. Aussi Julie ne s'était-elle pas trop approchée, au contraire de certains jeunes de la tribu, qui avaient joué à se faire peur, avant que les tambours ne résonnent. Qu'il n'y ait pas eu de blessés fut un miracle aux yeux de la jeune femme, étant donné la vivacité avec laquelle le fauve lançait une de ses pattes griffues entre deux barreaux, lorsqu'une cible s'approchait trop.

Julie s'était au départ demandée s'il s'agissait là de la dangereuse créature dont on parlait, mais il semblait que non. Le fauve avait été capturé pour la cérémonie. Peut-être allaient-ils le sacrifier pour demander leur aide aux esprits de la forêt ? Ce n'était pas très clair.

La musique avait débuté un peu plus d'une heure plus tôt, sur un rythme lent et majestueux, joué par un groupe comprenant plusieurs instruments étranges, composés d'un tube de bois creux, comportant plusieurs fentes sur lesquels un musicien passait une espèce de gros archet. Ils étaient accompagnés de petites percussions et de petits tubes de bois, certains fixes et d'autres pendants au bout de fils, qui pouvaient être frappés avec une espèce de petit marteau rond. En face d'eux, un autre groupe de musicien jouait d'instruments à percussions, de différentes formes et tailles, parmi lesquels un très gros tambour sur lequel on jouait à deux. Les deux groupes se répondaient à intervalles irréguliers, comme s'il s'agissait d'une discussion où chacun avançait posément ses arguments. Devant le groupe qui ne comportait que des percussionnistes se tenait le kihé, debout, balançant son corps d'avant en arrière. En face se tenait le khohu, assis en tailleur. Aux pieds du vieil homme, un réceptacle de bois d'une trentaine de centimètres de diamètre abritait un petit brasier, dans lequel se consumait du charbon de bois et des éléments que Julie n'aurait su nommer, sans aucun doute d'origine végétale ou une matière proche de l'encens, étant donné la fumée épaisse qui s'en dégageait.

Julie se surprenait à battre le rythme contre ses cuisses. Il y avait quelque chose d'hypnotisant dans ces jeux de sons.

Elle ne l'avait pas perçu tout de suite, mais un très léger fredonnement s'était joint à la musique. Il provenait pour partie des musiciens, et pour autre partie de la foule amassée là, sans que Julie puisse distinguer vraiment qui y participait.

Elle et ses amies avaient été placées à la droite du chef, à une quinzaine de mètres face à la cage. Ils avaient autour d'eux les plus vieilles personnes du village, dont Abo, juste à côté d'Ève, qui tenait elle-même la première place à côté du chef, sans aucun doute la place d'honneur. Venait ensuite Kim et elle, puis Abo et Iiyabi, alors que Samya se tenait un peu en retrait, entre Kim et Julie, assise tout comme elles, mais portant sur ses genoux son arc et son carquois, et son grand couteau au côté. Depuis la disparition de Christophe, la jeune beur ne quittait plus ses armes. Il faudrait qu'elles en parlent tôt ou tard, mais Julie n'en avait pas encore trouvé le temps.

Vierge de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant