Plusieurs jours furent nécessaires pour faire de leur camp un lieu sûr.
Ils voulaient pouvoir y dormir sans avoir à monter la garde. Une palissade de bois d'une vingtaine de mètres de long couvrait toute la partie faisant face à la jungle, tandis qu'une solide hutte s'adossait à la roche. Ce n'était pas une très grande hutte, mais ils ne l'utilisaient que la nuit, d'autant plus qu'ils ne voulaient pas s'investir trop dans un refuge qu'ils désiraient transitoire. Ils ne comptaient rester là que le temps d'acquérir les compétences nécessaires à leur voyage au travers de cette jungle, construire une maison leur donnerait trop l'impression de s'installer. Et puis ils avaient d'autres choses en tête. Ils devaient apprendre à se battre, chasser, se déplacer sans faire trop de bruit, acquérir de l'endurance et une connaissance minimum des dangers que recelait cette vaste prison verte. Car c'est ainsi qu'il la voyait, une vaste prison qui les retenait loin de leur famille, loin de leurs amis et de leurs vies.
Pour autant, ils ne se faisaient pas d'illusions. Il n'était pas dit qu'ils puissent retrouver un chemin de retour. Mais ne pas tenter d'en trouver était un aveu d'échec auquel ils ne voulaient pas se résoudre.
Et puis les jours passèrent, et la douleur s'estompa.
La vie pouvait être douce en ce lieu. Les journées étaient chaudes, peut-être lourde parfois, mais la pluie venait régulièrement libérer l'atmosphère de sa pesante humidité. C'était une pluie tiède, beaucoup plus chaude que l'eau qui venait de la montagne. C'était avec un plaisir certain que tous en profitaient plutôt que de se mettre à l'abri, nus sous le déluge, comme une douche céleste qui lavait leur corps aussi bien que leur cœur.
La nourriture ne manquait pas, la jungle était prolixe en fruits de tout genre, ainsi qu'en bulbes et racines comestibles. C'était Kim la première qui s'était mise en tête de cataloguer celles qui pouvaient se manger, et éventuellement présenter des vertus médicinales. Elle était férue de cette culture du soin par les plantes, initiée en cela par sa mère, et avait décidé de répertorier celles qui pourraient se révéler utiles sur ce monde.
Elle avait d'abord repéré celles que déterraient certains animaux pour s'en nourrir, puis prise au jeu, elle s'était mis à étudier toutes les plantes qui poussaient autour de leur campement. Elle faisait souvent des sorties avec Julie dans ce but, l'une chassant, l'autre cueillant. Ce qui avait duré jusqu'à ce qu'elle frôle un empoisonnement, à cause d'une racine au goût particulièrement sucré, mais qui avait rapidement engendré de terribles crampes d'estomac. Le réflexe de Christophe avait été de l'obliger à ingérer une des plantes qu'elle avait auparavant identifiée comme ayant des propriétés purgatives. Ils ne surent jamais si la plante était un poison mortel dont le purgatif avait permis de se libérer, où si elle ne présentait que des nuisances partielles. Mais cela suffit à Kim pour admettre qu'il était trop dangereux de poursuivre ces petites expériences.
Elle avait renoncé aussi à d'autres expériences, au grand dépit de Christophe.
La question ne s'était pas posée durant les premiers jours qui avaient suivis la mort de Grégory, non pas parce qu'il n'y avait pas pensé, la présence de la jeune asiatique dans ses bras durant ces moments de tristesse aurait été un réconfort apaisant, mais l'occasion ne s'était pas présentée. Il en avait discuté la deuxième nuit, lorsqu'ils s'étaient de nouveau retrouvés à monter la garde ensemble. La franchise leur était un trait de caractère commun, Christophe avait abordé le sujet sans que cela ne les dérange ni l'un ni l'autre. Il avait compris, avec un soupçon de peine bien dissimulée, qu'il ne s'agissait chez elle que d'assouvir une curiosité sur l'instant, une pulsion non préméditée, sans doute mêlée à d'autres sentiments qu'on n'exprime pas à haute voix, ou qu'elle n'avait peut-être pas identifiés elle-même.
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Vierge de sang
FantasiaÈve courait, comme jamais elle n'avait couru. Elle sentait le terrain sous ses foulées, savait instinctivement où poser les pieds, elle était comme le vent qui file entre les arbres. Elle percevait avec une précision incroyable toutes les odeurs qui...