Ève courait, comme jamais elle n'avait couru. Elle sentait le terrain sous ses foulées, savait instinctivement ou poser les pieds, elle était comme le vent qui file entre les arbres. Elle percevait avec une précision incroyables toutes les odeurs qui confluaient vers elle. Et au milieu de celles-ci, elle distinguait clairement celle de l'homme qu'elle traquait, sa proie.
Elle voyait, sentait, entendait comme jamais.
Derrière elle, elle devinait le bruit furtif des autres chasseurs qui accouraient à sa suite, pas assez rapides pour tenir son allure. Ils la suivaient, silencieux et puissants, comme la mort en marche. Elle ralentit cependant, pas beaucoup, juste un peu. Elle menait la meute, restait devant elle, mais pas assez pour la perdre.
Seule Bagheera tenait la vitesse. Elles couraient toutes deux d'un même mouvement harmonieux, comme une seule entité à huit membres et deux têtes. Elles filaient, avalaient la distance, si discrètes, imperceptibles, qu'elles surprenaient la plupart des animaux sur leur passage. Les pauvres bêtes restaient là, paralysées par la peur, tant était subite cette apparition. Leur cœur recommençait à peine à battre, que la horde qui suivait les paralysait de plus belle, tant et si bien que certains en tombaient en syncope.
A la forêt succéda les pentes herbues puis rocheuses, les ravines, falaises et sentiers perdus. Elles couraient toujours, infatigables. L'odeur qu'elles pistaient de plus en plus forte, de plus en plus présente.
L'après midi ne touchait pas à sa fin qu'Ève aperçut au loin la colonne de Shoakss et de Kokoris qui progressait sur une pente légère, parsemée de mauvaises herbes et de taillis bas. Ils quittaient la haute vallée pleine d'arbres rabougris qu'elle même traversait. Quatre barbares fermaient la marche à une trentaine de mètres du gros du groupe. Après la pente, les parois de la vallée se refermaient en une espèce de large ravine, creusée par un petit torrent, qui n'était à l'heure actuelle que ruisseau.
Ève accéléra, sentant la fin de la chasse qui obnubilait son attention.
Arrivée à une centaine de mètres de l'arrière-garde, elle s'arrêta. La distance qui la séparait des barbares était presque entièrement à découvert, aussi, en prédateur expérimenté, resta-t-elle immobile, le temps qu'ils passent le faîte de la petite élévation ouvrant sur la ravine. Elle entendait les deux premiers membres de sa meute qui se rapprochaient derrière elle, mais n'attendit pas qu'ils soient à sa hauteur. Dès que l'arrière-garde ne fut plus visible, elle partit en un sprint effréné. Ses proies étaient trop proches, leur vue ravivait sa rage et son envie de sang.
Aussi silencieuse que Bagheera à ses côtés, elle parcourut les derniers mètres de la pente comme s'il s'était agi d'une surface plane. A dix ou quinze mètres derrière elle, elle entendit le fugace grognement des deux khokuhns qui accéléraient à leur tour.
Juste après la pente débutait un chaos rocheux. Tout à leur progression attentionnée sur ce terrain difficile, les Shoakss ne la perçurent que lorsqu'elle surgit derrière eux. Le premier son qu'ils entendirent fut celui du genou d'Ève percutant la nuque du barbare qui fermait la marche. Sans interrompre un instant sa course, elle s'était élancé d'un gros rocher, pour prendre la hauteur nécessaire à son attaque. Le choc fut si violent que l'échine de celui-ci se brisa en émettant un craquement sec, tandis que son corps était propulsé sur celui qui le précédait.
Ève roula au sol pour se réceptionner et, alors que les deux autres ennemis se retournaient pour comprendre les évènements, une ombre noire aux griffes acérées faucha le premier. Même s'il n'était pas visé, l'autre se pencha instinctivement pour se protéger. La fraction de seconde qui lui fut nécessaire pour se redresser et prendre la mesure de la situation fut suffisante à Ève pour finir sa roulade et l'empaler de sa lance, fracturant ses côtes et transperçant ses poumons comme si leur résistance avait été nulle.
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Vierge de sang
FantasyÈve courait, comme jamais elle n'avait couru. Elle sentait le terrain sous ses foulées, savait instinctivement où poser les pieds, elle était comme le vent qui file entre les arbres. Elle percevait avec une précision incroyable toutes les odeurs qui...