Ezuhi était un Layssë d'un quarantaine d'année. Il avait été enlevé à sa tribu lorsqu'il était enfant, lors d'une razzia shoakss, et était devenu un esclave. Il avait été échangé et vendu plusieurs fois, s'éloignant un peu plus à chaque fois des vallées dans lesquelles il était né.
Il avait fini par être l'esclave d'un riche marchand des Trois Cités.
Julie devait rester plusieurs jours au sein de l'Arbre-Roi, leur avait-on dit, aussi, étaient-ils redescendus pour aller trouver celui qui pourrait les aider à trouver un magicien.
Ezuhi avait un corps sec couvert de cicatrices. Il lui manquait plusieurs dents, ce qui rendait son sourire comique, mais ses yeux brillaient d'intelligence et de fierté contenue.
« C'était très dur là-bas, leur révéla-t-il. Tout le temps dur, une grande souffrance d'être loin de la forêt, une grande souffrance du corps, aussi.
J'ai eu ce qu'ils appellent des "barshs", des maîtres, beaucoup. Certains moins méchants que d'autres, mais aucun n'était bon, n'est-ce pas ? Malgré les apparences qu'ils se donnaient... Sinon pourquoi m'auraient-ils laissé des chaines ?
Au début, je m'enfuyais tout le temps. J'étais très jeune, un peu plus de dix cycles. Mais ils me reprenaient à chaque fois, ils avaient de bons chasseurs. Et ils me battaient, me revendaient. J'ai fait beaucoup de travaux différents, j'ai servi les maîtres, creusé dans les mines, je me suis occupé des animaux, des cultures... Toujours je m'enfuyais, et cela ne rapportait rien de bon, des années durant.
Alors une fois que les coups m'étaient bien rentrés dans la tête, j'ai changé de méthode. Après avoir été revendu, j'ai joué l'esclave parfait. J'étais beaucoup plus vieux alors, assez sage pour savoir bien faire semblant, longtemps. J'étais gentil, stupide, obéissant, un bon esclave qu'ils aimaient bien, jusqu'à ce qu'ils ne fassent plus attention à moi. Ça m'a pris du temps, des années pour bien préparer. Et puis pendant leur sacrée fête de l'une lune, j'ai drogué la maison, tout le monde ! Endormi pour des jours je pense ! Je ne sais pas, ils ne m'ont jamais repris.
J'ai fait des tours et des détours, des fausses pistes, pleins !
... J'ai mis du temps à rentrer. J'ai marché longtemps, de longs mois, pour retrouver le chemin de ma tribu. Je suis passé à l'ombre de la Forteresse des Monts du Ciel, j'ai traversé les collines des Longues Haches, les marais salés, j'ai traversé les vallées des Peuples du Silence, puis celles des Shoakss, et finalement, nos vertes et fertiles vallées, jusqu'à mon peuple.
Quand je suis revenu, c'était dur aussi. Mon père était mort le jour où on m'a enlevé, ma mère était morte bien avant que je revienne, mes sœurs n'étaient pas revenues de l'esclavage, et mon jeune frère était trop petit à l'époque pour savoir qui j'étais. Mes amis ne m'ont pas reconnus... je ne savais plus si c'était vraiment chez moi. Mais petit à petit, j'ai repris ma place.
Alors pour répondre à ta question, Christophe le Vert, oui, j'ai vu des mages.
Chez les Shoakss, il y a de mauvais mages, méchants, qui pratiquent la magie du sang, et les sacrifices. Les tribus des marais salés ont des chamans, comme nous, certains ne sont pas des mauvais hommes, mais ils sont impitoyables, à cause des tribus autour. Le peuple du silence, je sais qu'ils ont de la magie, mais je n'ai jamais cherché à les croiser. On dit qu'ils tuent jusqu'à ton âme, s'ils te capturent. Les barbares aux longues haches ont des sorciers, ils lisent dans les entrailles et provoquent la fureur des éléments.
Mais les mages les plus puissants que j'ai vu de mes yeux, c'est dans le royaume des Trois Cités. J'ai été à la cour du Roi là-bas, en gentil esclave au service de mon riche marchand de maître. Le conseiller du roi, c'est un faux secret qu'il est mage. Il lit dans les esprits, il effraie le plus puissant guerrier d'un simple regard. Je l'ai vu, manipuler un barbare comme une marionnette, jusqu'à ce qu'il se jette sur sa propre hache. Mais lui, le plus fort de ceux que j'ai vu, je sais qu'il n'est rien en comparaison des mages qui se cachent des Vigilants, ceux qui font respecter les anciens édits de l'alliance des peuples, sur l'interdiction de la magie. Mon maître, un jour qu'il avait beaucoup bu, m'a parlé de ce lieu secret, caché sous des tonnes de pierre, et d'autres encore en parlent souvent dans les cités, lorsqu'ils veulent effrayer les enfants qui ne sont pas sages, en leur parlant des rites sanglants des puissants sorciers qui donnent la douleur pour le plaisir. C'est un lieu peuplé des créatures de cauchemars que les Hauts-Mages ont laissées derrière eux après leur défaite. Tous ceux qui ont survécus à la guerre et aux grandes chasses s'y sont regroupés, pour se cacher loin des Akheraïs. Et ceux qui règnent sur eux sont des mages, de terribles mages, aussi puissants que les anciens Hauts-Mages de jadis.
C'est un lieu très dangereux et sombre, un lieu merveilleux, un lieu horrible, un lieu enchanteur, un lieu où tout est possible, mais impossible à trouver. Et je sais que le roi des Trois Cités commerce avec eux.
Si tu cherches des puissants magiciens pour sauver ton amie, ceux qui survivent encore aujourd'hui sont là-bas, dans cet endroit dont on parle en murmurant, tellement sa renommée est terrible. Les gens ne prononçait son nom qu'avec crainte, de peur d'attirer le mauvais sort.
Oui, c'est là-bas que tu dois aller pour trouver ton mage, à Ahngerosh, la cité sous la montagne. »
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Vierge de sang
FantasyÈve courait, comme jamais elle n'avait couru. Elle sentait le terrain sous ses foulées, savait instinctivement où poser les pieds, elle était comme le vent qui file entre les arbres. Elle percevait avec une précision incroyable toutes les odeurs qui...