Livre I - Chapitre 8

8 3 0
                                    

— Où est-il ?

— Je ne sais pas, mentis-je.

Les sourcils gris du régent se froncèrent au-dessus de ses yeux tout aussi gris. Il n'avait pas fallut longtemps pour que la nasse se referme : l'absence de Térês avait été notée aux exercices d'équitation du matin, avait commencé à inquiéter au repas, avant que les gardes ne partent à sa recherche dans l'après-midi.

Ils n'avaient, évidemment, rien trouvé.

— Tu es son seul ami. Comment peux-tu ne rien savoir ?

— Il avait l'air triste, répondis-je. Mais je ne sais rien de plus.

— Térês est-il ton amant ?

Soufflé, je mis un certain temps avant de mentir que non – de mentir ? Je l'avais embrassé une fois, c'est tout, pour lui faire plaisir et lui redonner espoir.

— Cette affaire rejaillit très mal sur toi, me prévint le régent. Ta présence ici ne tient qu'à un fil.

Il se saisit d'un feuillet de papyrus, sur un tas proprement agencé sur un coin de son bureau, et l'agita lentement devant moi.

— Ton père t'a écrit. Pense à tout ce qu'il a sacrifié pour que tu sois ici. Pense à tout ces efforts que tu vas réduire à néant...

— Je ne sais pas où il est, insistai-je.

Je repoussai l'image du vieux père d'Hêphaistion. Amyntor n'avait pas élevé un lâche. Qu'est-ce qu'Hêphaistion aurait fait, à ma place ? C'était un gentil garçon. Il n'aurait jamais laissé mourir un ami sans tenter de le sauver.

Antipatros laissa la lettre tomber sur le bord du bureau, juste devant moi. Je la ramassai et la froissai presque sur mes genoux, involontairement, en pestant contre ma nervosité. Mon visage inexpressif que protégeait... mais pas mes gens maladroits.

— Pense à Alexandros, ajouta l'homme qui, de fait, restait le régent du royaume. Un otage qui disparait, dans la première semaine de ses fonctions... pire, un otage qui a étudié avec lui à Mieza...

— Je vous assure que je ne sais rien.

Son regard d'acier me transperça. Longtemps. Mes mains devinrent moites, mais je ne cédai pas, et ce regard finit par glisser en direction de la porte.

— Va-t'en, ordonna-t-il. Et à ta place, Hêphaistion Amyntoros, je commencerai à faire mes adieux.

Mais c'est injuste ! Vous n'avez aucune preuve !

Lèvres pincées, je quittai le bureau sans rien dire. Un soir lourd d'orage contenu pesait sur la ville ; les derniers secrétaires s'éventaient avec des gestes las par-dessus leurs abaques [1], leurs tablettes de sable et leurs rouleaux de comptabilité. Un jeune esclave sauta d'un banc, où il m'avait attendu en battant de ses jambes aux pieds nus.

— Le prince veut te voir.

Je retins un soupir.

Le petit esclave me guida jusqu'au bureau du roi. Il toqua contre le lourd battant jusqu'à ce qu'un serviteur plus âgé vienne nous ouvrir ; l'homme me fit signe d'entrer et sortit en fermant la porte.

Alexandros me décocha un regard vénéneux depuis le bureau de son père. Je notai distraitement les changements : pas de cape, de coupe, de nourriture ou de pichets qui trainait, la table parfaitement ordonnée, les coussins de la couchette bien alignés. Comme si Antipatros était venu faire disparaitre le désordre énergique de Philippos pour laisser place à une version aussi géométriquement ordonnée que les schéma astronomiques d'Aristotélês.

La Flèche d'ArtémisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant