Livre II - Chapitre 13 (4)

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Des bruits de pas, sur la caillasse.

— Hêphaistion, m'appela Kleitos. Parmeniôn veut te voir.

Alexandros se redressa. Il essuya son visage de sa manche et se leva en même temps que moi.

— Non. Seulement Hêphaistion.

— Il reste avec moi, le contredit Alexandros. Et donc, je reste avec lui.

— Je reste avec toi, si tu veux, proposa Kleitos. Mais lui, il va voir le général... et toi, il vaut mieux que tu n'y ailles pas.

— Et pourquoi ?

— Je n'ai pas le droit de vous le dire.

Puis, il comprit ce que craignait Alexandros, et...

— Tu ne crois quand même pas que...

Kleitos brunit sous sa barbe, les sourcils comme une barre par-dessus ses yeux écarquillés.

— Tu crois que j'aiderai qui que ce soit à te faire du mal ? chuchota-t-il furieusement. Alekos, tu es comme mon fils, jamais, tu entends, jamais...

— Je sais, répondit Alexandros avant d'émettre un petit rire nerveux. Mais Hêphaistion reste avec moi.

Kleitos souffla, le visage fermé, avant de secouer la tête.

— Bien. Mais tu... j'aurais essayé.

Nous le suivîmes jusqu'au pavillon royal. Aucune lumière ne filtrait de l'extérieur, à travers les épaisseurs de toile ; à l'intérieur, des lampes pendues à l'armature jetaient une lumière orangée sur les murs rouges.

Une ambiance lourde pesait sur l'antichambre. Il n'y avait que deux gardes, et Alexandros marqua un temps d'arrêt en se rendant compte qu'il s'agissait de Ptolemaios et Philotas, le fils de Parmeniôn, et que l'un et l'autre semblait saisis d'une froide réserve à notre égard. Ptolemaios et Kleitos échangèrent un regard ; Kleitos lui répondit d'un geste d'impuissance, et Philotas tira le pan de toile pour nous inviter à entrer.

Dans cette pièce centrale où Philippos tenait ses conseils de guerre, en campagne, il y avait une grande table, assez grande pour y coucher un homme. Il ne me serait pas venu à l'idée de la mesurer ainsi si, en entrant, nous n'avions pas été surpris par le cadavre allongé en plein milieu.

Démêtrios.

Et, derrière lui, Parmeniôn, les traits creusés par l'éclairage des lampes, chaque ride, chaque pli de son expression accentué par les ombres. Une colère froide donnait à ses yeux une terrible fixité.

— Explique toi, m'ordonna-t-il.

Démêtrios ne devait pas être mort depuis très longtemps. Il ne sentait pas encore le cadavre, même avec mon odorat.

— Il est mort, répondis-je simplement.

Je ne voyais pas ce qu'il voulait que je lui dise d'autre. Lui attendait une autre réponse, car il frappa le dessus de la table du plat de la main.

— Et à cause de qui, hein ?

— Hêphaistion n'a rien fait, intervint Alexandros. Il est resté avec moi depuis l'aube.

— Toi, cingla Parmeniôn, tu aurais mieux fait de rester avec Kleitos, après tous les efforts qu'il s'est donné pour me convaincre que tu n'y es pour rien.

— Il est mort suite à l'attaque, non ? demanda Alexandros, nerveux. Est-ce notre faute si les Triballoi nous ont pris en embuscade ?

Parmeniôn ne répondit pas. Il contourna la table jusqu'à se tenir juste devant le prince. Ce n'est qu'alors que je vis ce qu'il tenait dans sa main : un long foulard dont il fouilla les plis jusqu'à révéler, tissé en fils noirs sur le rouge, une petite marque, mi-fleur mi-soleil.

La Flèche d'ArtémisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant