Livre II - Chapitre 14 (4)

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Silence.

Néarkhos ramassa la lampe. Les gardes de l'entrée arrivèrent enfin ; Pausanias aida Alexandros à se relever. Il ne détourna pas des corps, jamais, même quand les soldats se mirent à crier, et ne fit que les fixer, les fixer comme s'il ne saisit pas.

Je comprenais sa stupeur. On avait voulu le tuer – pour la première fois de sa vie, on avait voulu le tuer.

— Attendez ! s'écria Perdikkas alors que l'un des gardes se tournait pour partir. Qui allez-vous chercher ?

— Je vais réveiller le général Parmeniôn.

— Non ! Ne faites pas ça !

— C'est le chef de l'armée, s'étonna le garde.

— Mais c'est Parmeniôn le commanditaire ! s'écria Perdikkas. Si vous allez le voir...

— Non, coupa Pausanias.

Il se tenait tout près d'Alexandros, un bras passé autour de ses épaules.

— Il a dit que c'était Parmeniôn et Ptolemaios. Mais si je voulais nuire à la cause d'Alexandros, c'est exactement ce que je ferai : je cacherai le nom du vrai coupable et je sèmerai la discorde au sein des loyalistes.

Les gardes hésitèrent, jusqu'à ce qu'Alexandros prenne une grande inspiration et déclare que nous devions en parler directement avec le roi. Philippos dormait depuis des heures et n'avait pas été lucide de tout le jour... mais si ce n'était pas lui qui tranchait, alors il ne restait plus que Parmeniôn.

Nous nous armâmes tous pour escorter Alexandros. Notre traversée du camp royal fut rapide mais peu discrète, jusqu'à ce que nous entrions dans le pavillon de Philippos. Les autres se postèrent dans l'antichambre du pavillon avec des airs féroces ; Alexandros et moi nous apprêtions à entrer dans la chambre lorsque Pausanias demanda à nous accompagner.

Dans le regard silencieux qu'Alexandros échangea avec lui se tint une conversation entière : toute sa désapprobation pour la relation entre Pausanias et son père, la crainte où le plongeait l'instant, une étincelle de colère et, finalement, ce qui ressemblait à de la compassion.

— Viens.

Nous entrâmes. L'esclave-apprenti du médecin qui veillait sur le roi s'écarta en s'inclinant ; Alexandros lui fit signe de quitter la chambre.

Le garçon, tremblant, protesta d'une voix minuscule que le général Parmeniôn avait ordonné de ne jamais...

Sors ! cingla Alexandros.

L'autre sortit.

Philippos ne se réveilla pas.

La terreur me monta à la tête. Je me souvenais si clairement du rêve ! Ce n'était pas un songe qui se dissipe au réveil. Les coquelicots, Hermès, le regard vide... mais non. Le cœur du roi battait encore, faiblement mais régulièrement.

Alexandros s'agenouilla près du lit. Il appela, il serra la main de son père, puis secoua son bras.

Philippos ne se réveilla pas.

Pausanias s'accroupit à ses côtés. Lui qui ne manquait jamais de mots en manqua, cette fois ; de ses lèvres ouvertes, rien ne sortit sinon un hoquet et le début d'un sanglot.

— Père, je t'en prie, réveille-toi, j'ai besoin que tu te réveilles... Pappas, s'il te plait, s'il te plait...

On discutait, dans l'antichambre. Je tournai le dos à mes deux amis pour faire face à l'ouverture – j'avançai vers elle, pour que personne ne surprenne les larmes de mon prince.

La Flèche d'ArtémisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant