La jeune esclave sursauta quand la coupe de terre cuite explosa en mille morceaux sur le sol. Elle était venue apporter un grand plateau garni de petits ramequins contenant des olives marinées, du fromage, du pain aux céréales et des abricots rapportés le matin-même des fermes du procurateur. Un plateau de petit déjeuner. Elle était accompagnée par un jeune garçon qui transportait une amphore remplie d'un vin qu'affectionnait de boire leur maître le matin en se levant.
Ils avaient été accueillis par des cris.
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Aulus Flavius était rentré tard, pratiquement à la première heure du jour. Ivre et furieux.
Le petit affront que s'étaient permis Julia et sa sœur lors du petit munus privé organisé par le propréteur l'avait contrarié, mais quand peu après, il avait remarqué que la gladiatrice qu'il convoitait se trouvait en compagnie d'Anémios, le secrétaire particulier de Sextus Constans, qu'il l'avait vue hocher la tête, qu'il avait vu Anémios se diriger vers la rétiaire, qu'il avait surpris son air désespéré et que, peu de temps après, les deux gladiatrices avaient rejoint le propréteur et les deux jeunes femmes, il avait soupçonné un coup fourré.
Le départ de Julia et de Gaïa escortées par les deux gladiatrices avait confirmé ses soupçons. Il avait fait mander Anémios pour obtenir des précisions quant à l'arrangement passé entre les deux jeunes femmes et Sextus Constans, et avait ainsi appris que Gaïa Metella s'était octroyée la thrace pour son propre plaisir. Les Alexandrins étaient d'insupportables débauchés. Julia se refusait à lui, invoquant sa vertu, et sa sœur frayait sans honte avec des gladiatrices ? Quelle hypocrisie !
Sextus Constans les lui avait cédées pour deux jours. Qui sait d'ailleurs si Julia, puisque la thrace intéressait Gaïa, ne profiterait pas de la présence de la rétiaire pour assouvir ses fantasmes. Il avait rappelé l'une des danseuses avec qui il avait frayé un peu plus tôt, l'avait entraînée à sa suite dans l'une des chambres réservées à ses hôtes par Sextus, et passé le reste de sa nuit à boire et à rudement abuser d'elle. Il l'avait cependant largement dédommagée de ses efforts. Personne ne dirait jamais que le procurateur de Lycie était un pingre.
Il se jura en quittant la villa du propréteur de donner des jeux qui surpasseraient en largesse ceux de Sextus Baebius Constans. Il n'avait jamais cherché à offenser le propréteur et depuis sa prise de fonction à la tête de la province, il avait attendu que celui-ci organisât son munus. Aulus projetait d'offrir son propre munus, en octobre, à l'occasion de la fête des Méditrianis. Il avait déjà pris des contacts et passé des contrats avec des lanistes et des fournisseurs de bêtes sauvages. Le munus organisé par Sextus lui avait permis de sélectionner de nouveaux lanistes, mais aussi des gladiateurs, des acteurs, des orchestres, des pourvoyeurs de bêtes sauvages, des arbitres et d'autres participants indispensables à la tenue d'un grand munus. Il donnerait aussi ce que Sextus, par oubli ou par manque d'argent, n'avait pas donné au public : des cadeaux. Il organiserait une loterie gratuite qui promettrait de gagner de nombreux lots de valeur : propriétés, esclaves, bijoux, sommes d'argents. Le public adorait les loteries et les cadeaux. Aulus assoirait encore un peu plus sa popularité.
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Le sable rouge
Narrativa Storica78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir. Mai...