Chapitre CVII : Des voix dans la tempête

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Une houle serrée, cassée. De l'écume. Des déferlantes qui se formaient au moment où on ne s'y attendait pas. Des vagues qui poussaient la poupe à tribord quand d'autres venaient jalousement agresser la proue par bâbord. La mer traîtresse et capricieuse. Stravos, le capitaine, avait pris l'une des deux barres. La Stella Maris étaitune coque ronde de petit tonnage, solide et maniable. La seule capable, selon lui, d'affronter les tempêtes hivernales et les méchants coups de vent qui frappaient parfois en plein été.

Un an et demi auparavant, il était présent quand l'Artémisia avait accosté à Patara. La grosse coque ronde était un bon navire, mais le melteni l'avait malmenée bien plus durement que ne l'aurait été la Stella Maris. Stravos n'aurait jamais mis en doute les compétences du capitaine de l'Artémisia. Il le connaissait bien et ce gars-là était ce qu'on appelait dans le milieu un fameux marin. Gaïa Metella ne lui faisait pas confiance par hasard. L'Artémisia faisait trois fois le tonnage de la Stella Maris. Elle tenait la mer, mais la Stella Maris souffrait moins dans la houle courte.

Il leva les yeux vers le ciel. Chercha le vent. Prit le temps d'observer la mer, les lames qui commençait à déferler. Le vent qui décoiffait les crêtes. Les coups sourds sur la coque. La tempête menaçait de s'intensifier.

 Kyros ! cria-t-il à l'homme qui se tenait derrière lui.

 Capitaine ?

 Va dire aux gladiateurs et aux prétoriens de s'arrimer. Qu'ils se répartissent sur chaque bord. Je ne veux perdre personne. Fais remonter la voile de dix pieds. Et ordonne à l'équipage d'imiter les passagers. Plus personne ne se déplace sur le pont.

 Bien, capitaine.

 Il y en aura pour une heure. Deux, peut-être. Après, nous aurons passé le plus dur.

 Vous allez rester seul ?

 Non, tu reviens et tu m'amènes le pilote et Phokas. On aura besoin d'aide pour tenir les barres.

.

Ils n'avaient même pas atteint la Sicile que la Stella Maris se retrouvait déjà secouée comme une paire de dés dans un godet. Tous les passagers avaient déjà navigué, déjà essuyé des tempêtes.

Enfin, presque tous.

Ishtar ne connaissait que les tempêtes qui recouvraient parfois la campagne et les champs d'une fine couche de sable sur des milliers de milles ou celles qui parfois, brassaient la mer de Galilée. Elle avait toujours entendu dire par les pêcheurs qu'il n'existait pas de plus grande mer que celle-ci. Elle y avait cru. À ses yeux d'enfant, la mer de Galilée valait tous les océans mythiques. Et puis, elle était arrivée à Sidé. Elle avait passé le sommet d'une colline et ses pieds avaient refusé d'avancer. Un garde l'avait rabrouée, les verges avaient claqué, mais il avait fallu les menaces de Téos pour qu'elle s'arrachât au spectacle d'une étendue bleu azur qui s'étendait si loin qu'Ishtar avait cru qu'elle avait dévoré le ciel. Elle avait ravalé sa mer natale à un trou d'eau, les pêcheurs héroïques de son village à des hâbleurs vaniteux. Le cœur d'Atalante s'était rempli d'émerveillement quand elle avait, pour la première fois, contemplé la mer, Ishtar s'était sentie ridicule et ignorante. Comme si sa vie n'avait été qu'un immense mensonge, aussi immense peut-être que cet océan plus grand que la terre. Tout ce qu'elle pensait solide et immuable n'avait été que mirage. Sa famille, l'immense mer de Galilée, ses courses échevelées à travers la campagne, son promis, sa liberté. Elle avait embarqué pour la première fois sur un navire lorsque la familia s'était rendue à Rome pour l'inauguration du grand amphithéâtre. La traversée avait été paisible. Ishtar avait pris plaisir à sentir la brise caresser son visage, à observer l'étrave fendre les flots, à voir l'écume naître miraculeusement dessous, bouillonnante et si blanche alors que l'eau était si sombre, à noter les changement de couleurs : bleu scintillant, bleu profond, gris, noir, pers, bleu clair, turquoise. Cinq jours de navigation enchanteresse. Le navire forçait à la promiscuité. Elle indifférait Ishtar. La jeune fille, encore très jeune, n'avait pas goûté aux privilèges des gladiateurs aguerris. En Galilée, elle vivait avec toute sa famille dans une pièce unique. Ensuite, elle avait traîné avec des prisonniers sur les routes, partagé avec eux le sol dur des enclos, puis était venue la cellule des novices. Sur le pont d'un navire, elle bénéficiait du grand air et quand elle ouvrait les yeux la nuit, des milliers de points lumineux brillaient sur le drap noir du firmament.

Le sable rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant