Chapitre LXXXVII : Agapé

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Aeshma dormait sur le ventre, une main coincée sous son épaule, l'autre repliée près de son front. La couverture lui laissait une grande partie du dos à découvert. Le soleil rentrait à flots dans le tablinium, dessinant un grand rectangle de lumière sur le sol qui léchait dans un coin le bureau de Gaïa. La pièce était vivement éclairée.

Marcia referma doucement la porte. Ses yeux s'arrêtèrent sur les cicatrices qui striaient le dos de la gladiatrice endormie. Elles se détachaient laidement sur sa peau hâlée, boursouflées, blêmes, entrelacées sans grâce. Elles resteraient à jamais visibles, rien ne les effaceraient jamais. Elles dénonceraient jusqu'à sa mort, l'esclave rebelle et désobéissante.

Un mensonge. Aeshma avait gagné ces cicatrices parce qu'elle s'était montrée courageuse sur le sable. Qu'elle avait voulu tenir jusqu'au bout son rang de gladiatrice. Parce qu'elle était fière et butée, et qu'elle n'hésitait pas à bousculer les règles et les usages si elle pensait que cela en valait la peine. Tous ces défauts et toutes ces qualités qui faisaient d'elle, aux yeux de Marcia et de beaucoup d'autres qui l'estimaient, une meliora si admirée. Si attachante. Téos l'avait injustement punie. Il n'avait pas supporté qu'elle sortît du rang. Il aimait la soumission et il avait craint de perdre une source de revenus non négligeable.

Marcia pensa que tout était parti du coup d'éclat d'Aeshma sur le sable de Patara. La thrace inconnue avait attiré l'attention de Gaïa, déclenché l'enthousiasme de Marcia, excité le désir pervers d'Aulus Flavius.

Sans son acte impudent, Aeshma et Atalante n'eussent jamais été invitées au Grand Domaine, Marcia ne se fût pas prise d'affection pour les deux gladiatrices, elle n'eût jamais signé un contrat d'auctoratus, Aeshma ne fût jamais devenue l'un des principaux pivots de sa vie.

La meliora avait toujours été là depuis que Marcia l'avait retrouvée au ludus. Elle et Atalante. Marcia aimait Atalante, mais c'était différent avec Aeshma, sans qu'elle pût vraiment s'expliquer pourquoi. Il n'y avait rien à expliquer, son affection ne dépendait pas de la raison, mais d'un simple élan du cœur. D'un lien particulier qui l'unissait à la jeune Parthe. À la meurtrière. Aeshma portait le sang de son père sur les mains.

Les larmes refirent leur apparition. Marcia avait vidé sa colère dans les rues de Rome, celle-ci s'était écoulée à travers ses cris et la violence de ses poings. Une violence stupide qui avait mis Kittos en danger et peut-être provoqué la mort de la serveuse des Quatre Sœurs. La jeune femme lui avait sauvé la vie et elle l'avait laissée derrière elle. Il faudrait qu'elle prenne de ses nouvelles. Elle se désolait régulièrement de la violence à laquelle s'abandonnait trop souvent Aeshma et elle s'y adonnait avec autant bêtise.

Julia lui avait longuement parlé. Franchement, sans fioritures. La jeune femme n'avait donné d'excuses à personne, seulement énoncé des faits, avoué encore une fois qu'elle aimait profondément Marcia et qu'elle estimait les gladiatrices. Parce que Julia aimait Aeshma.

Le sable rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant