Marcia s'était endormie. Elle avait longtemps lutté contre le sommeil jusqu'à ce qu'Atalante lui intimât l'ordre de s'allonger et de prendre du repos. Elle avait protesté. La grande rétiaire lui avait gentiment rappeler qu'elle avait besoin d'avoir l'esprit clair si le matin elle voulait affronter l'Empereur et lui arracher la grâce de Julia. Qu'on ne se battait pas au maximum de ses possibilités quand on manquait de sommeil. Atalante sentait Marcia fébrile et elle la ménagea. Astarté lui apporta son soutien et la jeune fille finit par céder. Elle s'allongea sur un divan et s'endormit très vite. Les deux grandes gladiatrices convinrent alors de veiller à tour de rôle.
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Titus s'était retiré dans ses appartements avec l'ordre de ne pas être dérangé. Publius Buteo avait préféré ne pas contrevenir à son désir. La requête de Marcia était trop particulière pour risquer de contrarier l'Empereur. Ils attendraient son réveil. Il avait conduit les trois gladiatrices dans un petit cubiculum, s'était absenté un moment, avant de revenir avec deux esclaves chargés de nourriture et de boisson. Il les avait enjointes à ne pas sortir et leur avait promis de revenir dès qu'il aurait obtenu une entrevue.
Il faisait froid, Marcia était bien couverte. Sa palla était épaisse et chaude, mais Atalante et Astarté ne portaient que leurs tuniques, bien trop légères pour affronter une nuit de janvier. Kittos n'avait pas pensé à leur apporter des couvertures ou un petit brasero. Allongée sur le sol, Astarté frissonna. Elle se redressa et se leva.
— J'ai froid, avoua-t-elle à Atalante qui la regardait d'un air interrogateur.
— Il ne fait pas très chaud, concéda la jeune Syrienne assise sur un coffre qui s'était révélé vide quand elles l'avaient ouvert. Viens t'asseoir à côté de moi, on se tiendra chaud.
Astarté s'installa à côté d'elle et releva les jambes.
— Tu peux t'appuyer sur moi, si tu veux, lui dit Atalante. Je te réveillerai plus tard.
— Tu es sûre que tu veux pas dormir ?
— Non, ça va.
Astarté posa la tête sur l'épaule de la grande rétiaire. Elle s'assoupit très vite.
— J'aime bien dormir avec toi, marmonna-t-elle avant de sombrer définitivement.
Atalante se retint à grand peine de lui balancer une grande taloche sur la tête. Astarté avait l'art de se fendre, sans qu'on s'y attendît, de déclarations troublantes. Elle était vraiment incorrigible. Et insupportablement séduisante.
Atalante n'arrivait jamais à savoir ce qu'elle pensait de sa camarade. Astarté n'arrêtait pas de changer les règles du jeu. Elle pouvait se montrer indifférente et distante, chaleureuse et amicale, drôle et facétieuse, dure et injuste, séduisante et cynique, tendre et troublante. Personne n'y prêtait vraiment attention, peut-être parce que ceux qui la fréquentaient, prenaient chez elle ce qui leur convenait et qu'ils appréciaient trop une ou deux facettes de sa personnalité pour s'inquiéter des autres.
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Le sable rouge
Historical Fiction78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir. Mai...