Ister se couvrait le visage avec le coude, Euryale gémissait à quatre pattes et un gladiateur issu d'un ludus impérial de Rome gisait à moitié inconscient sur le dos à deux pas du melior. Enyo affrontait Pikridis. La jeune Sarmate arborait une lèvre éclatée et un sourire mauvais. Pas aussi mauvais que ne l'était l'expression qu'affichait Aeshma, mais mauvais quand même.
Un entraînement qui avait dégénéré.
Aeshma et Euryale se cherchaient depuis des jours. Ister qui évitait les melioras comme la peste s'était trouvé là par hasard et, parce qu'il s'entraînait avec Melaneus, le gladiateur de Rome, parce que Melaneus avait lancé une remarque désobligeante qui n'avait pas plu à Aeshma alors qu'elle donnait une correction à Euryale qui avait eu la mauvaise idée de se permettre un coup vicieux, parce qu'elle avait détourné son attention d'Euryale pour s'attaquer à Melaneus et qu'Ister l'avait reçu dans ses bras, Aeshma s'en était pris à lui aussi. Ister n'avait pas besoin de savoir pourquoi. Aeshma lui ferait payer jusqu'à la lie sa trahison. Beaucoup de nouveaux avaient intégré le ludus et il y avait gagné de nouveaux camarades. Mais les anciens, ceux qui savaient, le méprisaient. Ils considéraient qu'il avait payé, mais ils le traitaient comme un lépreux.
Melaneus avait ricané et lancé un :
— La teigne a encore frappé.
Il avait pu vérifier la justesse de son affirmation quand Aeshma l'envoya valdinguer dans les bras d'Ister, et la jeune Parthe s'était retrouvée à affronter trois gladiateurs. Elle avait déjà mis Euryale au sol. Pikridis avait profité de l'arrivée de Melaneus dans l'arène pour frapper Aeshma par derrière. Une petite vengeance gratuite. Enyo était intervenue.
Lysippé et Ajax avaient surveillé du coin de l'œil l'entraînement des deux thraces. Euryale n'avait jamais accepté, après avoir un temps régné seul sur le palus des thraces, de partager son statut de melior avec la Parthe. Il se voulait meilleur. Les hommes étaient meilleurs. Il savait que c'était faux et il reconnaissait la supériorité d'Atalante dans son armatura. Mais Atalante était rétiaire. Elle n'était pas thrace. Ce qu'il acceptait pour les autres armaturas, il ne l'acceptait pas pour la sienne. L'inimité qui existait depuis des années entre les deux thraces n'avait pas besoin de raisons. Euryale et Aeshma ne s'aimaient pas. Ils ne s'étaient jamais aimés.
Tout le monde le savait. Herennius et Typhon ne les appairaient jamais ensemble à l'entraînement. Ils évitaient autant que possible avant, et ils y avaient renoncé depuis le retour des gladiateurs à Sidé.
Aeshma avait tendance plus encore qu'auparavant à faire payer très cher la moindre de ses contrariétés. Elle n'avait pas vraiment changé, mais elle était beaucoup plus taciturne et bien plus sombre. Pourtant, elle restait proche des gladiateurs qui l'avaient accompagnée à Patara. Elle ne se montrait pas très expansive, mais elle ne fuyait pas ostensiblement leur camaraderie et quand elles'entraînait avec les plus jeunes, elle déployait des trésors d'attention, de patience et de gentillesse bougonne. Avec les autres, excepté avec les novices, Anté et les reines des Amazones, elle ne passait rien et se conduisait comme une brute. L'appairer avec Euryale était une idée stupide, ce que les deux meliores étaient en train de démontrer. Ce qu'Aeshma était en train de démontrer.
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Le sable rouge
Historical Fiction78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir. Mai...