Le fouet claqua.
— Oh, cette fois, ça va mal tourner, augura Piscès. On ferait peut-être mieux de prudemment se retirer.
— Non, refusa Sabina. De toute façon, c'est trop tard.
Piscès hocha la tête, mais il retira son coude de l'épaule de Sabina et redressa sa posture. Prévenus par les gardes, Téos et Herennius venaient d'arriver. La lanière du fouet n'avait déchiré aucune chair, juste claqué comme un avertissement.
Tous les gladiateurs participaient au munus, tous avaient été engagés. Quelles excuses Téos fournirait à Aulus Flavius s'il se trouvait obligé de retirer des paires ? Les affiches étaient déjà peintes sur tous les murs de la ville et les programmes avaient commencé à circuler. Il regarda les gladiateurs en train de se battre, ceux étalés par terre. Que diraient le munéraire et le public quand à la première cena, à la pompa, ses gladiateurs présentaient des corps suppliciés, des visages déformés par des hématomes ? Ces imbéciles jouaient avec sa réputation. Les bagarres étaient prohibées, les rixes sévèrement réprimées et ces imbéciles se tapaient dessus à cinq jours du début d'un important munus ? Un laniste concurrent ricanait dans un coin.
— Arrête-ça, Herennius, ordonna-t-il à son doctor. Tout de suite !
Le doctor avança d'un pas ferme au milieu des belligérants. Le combat cessa instantanément, presque. Dès qu'ils l'eurent aperçu, les gladiateurs, les uns après les autres, se redressèrent, Aeshma comme tout le monde. Mais un homme profita de l'opportunité qui lui était offert de marquer la petite thrace. Aeshma n'avait pas, en abandonnant le combat, cessé pour autant de surveiller son environnement. Elle para le coup et riposta. Férocement. Une main dévia son poing. Elle pivota vivement.
— Aeshma ! crièrent d'une seule voix Atalante et Astarté.
La jeune Parthe avait déjà armé un poing. Un regard noir la défia de le lancer. Son bras retomba et elle recula. Ses trois camarades, mais aussi Sabina, Piscès et Marcia soupirèrent de soulagement. Frapper Herennius en dehors d'un entraînement s'apparentait à un crime. Impardonnable.
Les gladiateurs, par habitude de la discipline se placèrent en rang face à leur doctor. Le regard fixé sur le sable devant eux. Conscients de leur folie. Des membres d'autres familias s'approchèrent curieux d'assister à la suite, alors que ceux de la familia qui n'avaient pas participé à la rixe se fondaient autant qu'ils le pouvaient dans l'ombre du portique sous lequel ils s'étaient retranchés. Seuls Marcia, Piscès et Sabina restèrent sur les lieux.
— À genoux, claqua la voix d'Herennius.
Téos bouillait d'une rage dévorante. Il détailla les hommes et les femmes agenouillés devant lui, comptait les bleus, les coupures,cherchait les dommages, épaules démises, os brisés. Beaucoup de bleus, quelques arcades et quelques nez cassés, trois pommettes éclatées chez les hommes.
VOUS LISEZ
Le sable rouge
Historical Fiction78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir. Mai...