Chapitre XLVII : La jatte de bonite crue

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Gaïa surveillait la ligne qu'elle avait jetée à l'arrière du lembos. Elle tirait dessus de temps en temps pour vérifier qu'elle n'avait rien pris. Elle n'était pas vraiment une grande spécialiste de la pêche en mer, mais elle avait souvent vu les marins s'y adonner, et quand elle s'ennuyait lors d'une traversée, elle les observait préparer leur ligne, y accrocher les hameçons, piquer des appâts dessus. Elle pensait qu'à chaque ligne, on accrochait un hameçon. Un marin lui avait montré qu'elle avait tort. On pouvait accrocher plusieurs hameçons à une seule ligne. Il lui avait même appris à monter une ligne.

Aeshma dormait.

Gaïa avait craint pour la vie de la jeune gladiatrice. Accablée par la fièvre, en sueur, elle avait oscillé entre délire et inconscience pendant quatre nuits et trois jours. Elle avait beaucoup parlé, mais essentiellement en Parthe, une langue que Gaïa, si elle n'y était pas totalement étrangère, ne maîtrisait pas. Elle avait saisi des mots, des noms dont l'un revenait sans cesse et des bribes de phrases, incapable de savoir si Aeshma tenait un discours cohérent ou complètement délirant. Elle avait aussi craché des insultes en latin, maugréé en grec des encouragements ou des reproches. Gaïa était restée saisie et complètement ébahie, quand Aeshma s'était lancée dans ce qu'elle reconnut être une leçon de grammaire grecque. L'évocation d'Atalante à cette occasion la laissa perplexe.

En se réveillant le matin, Gaïa s'était une fois encore trouvée enlacée à la jeune gladiatrice. Son menton reposait sur le sommet de son crâne et le front d'Aeshma s'appuyait sur le haut de sa poitrine, les bras repliés contre elle. Gaïa avait quant à elle un bras passé par-dessus sa taille. Elle avait posé sa main sur le dos de la jeune femme et pour une fois, elle ne s'y était pas brûlée la main. Elle avait ensuite passé sa main sur son front. La fièvre était passée et la gladiatrice ne baignait plus dans sa sueur. Par contre, elle dormait profondément et n'avait pas réagi quand Gaïa s'était levée.

La jeune Alexandrine s'était beaucoup inquiétée. Seule, avec une femme dont elle n'était pas sûre qu'elle survivrait, perdue en mer, elle avait guetté pendant des heures, à s'en brûler les yeux, l'horizon à la recherche d'une voile ou d'une terre. Assise, tendue. Elle avait passé trois jours, obnubilée par l'état de santé d'Aeshma et l'espoir d'un secours. Elle s'était nourrie distraitement et insuffisamment, plus par discipline que par faim. Elle avait mal dormi, tourmentée par l'angoisse et les sentiments qu'elle éprouvait envers la petite thrace.

L'amélioration de l'état d'Aeshma, l'avait sortie de sa routine abrutissante, de l'apathie dont elle faisait preuve dès qu'elle ne se souciait pas du sort de la gladiatrice. Si Aeshma avait vaincu sa fièvre, elle se lèverait bientôt. Gaïa s'était souvenue du matériel de pêche. La Parthe apprécierait peut-être de manger de la nourriture fraîche. Elles avaient de l'huile, de la posca et du sel. Elle pourrait lui préparer un plat de poisson cru. Avec du garum, cela eût été meilleur, mais elle devrait se contenter de ce que la Fortune lui avait octroyé. Elle pensa avec dépit et amertume que l'Artémisia en rapportait une pleine cargaison dans ses cales. Du garum de Pompéi, le meilleur de tout l'Empire.

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