Marcia avait pensé que les deux gladiatrices les attendraient à l'entrée de la villa. Sa folle chevauchée à travers les vergers ne lui avait pas fait oublier ce pour quoi elle était venue. Elle avait rattrapé Gaïa sur le chemin un quart de mille avant l'arrivée. Elles avaient galopé côte à côte sans plus vraiment faire la course. Des serviteurs se précipitèrent pour prendre les rênes et elles sautèrent à terre en riant, rouges d'excitation et complètement échevelées. Marcia avait déchiré sa tunique à l'épaule, sa feminalia portait un accroc juste en dessous du genou gauche et de nombreuses égratignures sur toutes les parties découvertes de son corps. Gaïa ne présentait pas mieux. La branche d'olivier lui avait dessiné une longue estafilade sanglante qui partait de son sourcil, passait par la tempe et s'achevait sur l'oreille. Elle saignait aussi sur le haut d'un bras. Une vieille servante s'empressa, mais Gaïa la repoussa gentiment et entraîna Marcia à l'intérieur de la villa.Elle commanda du vin et une collation pour la jeune fille. On lui proposa de se rendre aux bains, mais elle déclina la proposition. Elle et Marcia gagnèrent le jardin en devisant joyeusement et en se vantant de leurs exploits. Elles se laissèrent tomber dans des fauteuils et on leur servit du vin. Gaïa le goûta et le renvoya. Elle surprit un regard contrit d'une esclave.
— Il est bon, mais trop fort. J'ai la bouche pleine de poussière, apporte-nous un vin plus léger.
Elle regarda ce qui avait été déposé sur la table.
— Pour la collation, c'est parfait, dit-elle en se saisissant d'une pêche.
— On vous apporte tout de suite le vin, domina.
Gaïa regarda ses doigts aux ongles noirs de poussière. Héllènis, la femme qui avait baigné la petite thrace avec Serena s'avança vers elle en compagnie de deux jeunes adolescents. Elle portait une grande cruche, l'un des garçons, un bassin, l'autre une coupelle avec un savon posé dedans et une serviette. Gaïa se lava les mains. Marcia suivit son exemple.
Les gladiatrices n'étaient pas présentes et Marcia éprouva un vive déception. Gaïa devait aussi s'attendre à les voir car elle demanda à Héllènis où elles se trouvaient. La femme avoua son ignorance.
— Faites-les venir toutes les deux.
Personne ne savait où elles étaient. Atalante avait été confiée à Méléna le soir de son arrivée, Aeshma à Serena. On les envoya à la domina.
.
Méléna avait été mise au service de la rétiaire, mais la domina ne lui avait pas expressément dit qu'elle en était responsable. La gladiatrice s'adressait seulement à elle quand elle désirait un renseignement ou quelque chose de particulier comme un jeu de dé ou des sandales pour se rendre dans les champs et pouvoir courir. Le reste du temps, elle se débrouillait toute seule.
Quand Gaïa demanda à Méléna où se trouvaient les gladiatrices, elle ne parla que d'Atalante, parce qu'elle savait où elle était ou, si elle ne le savait pas vraiment, ce qui la retenait loin de la villa. La grande rétiaire suivait toujours à peu près le même emploi du temps et même si Méléna ne comprenait pas pourquoi elle avait décidé de courir ce matin-là alors qu'on lui avait dit que les domina arrivaient, elle l'avait suivi ce jour là comme les quatre autres jours précédents.
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Le sable rouge
Historical Fiction78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir. Mai...