78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir.
Mai...
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Aeshma et Gaïa découvrirent avec la même stupeur et la même admiration le domaine de Bois Vert deux ans et demi après que celui-ci eût entièrement brûlé. Bien sûr, les champs, les vergers, les bois n'avaient subi aucun dommage lors du pillage, mais Aeshma se souvenait avoir loué Astarté pour son œuvre d'incendiaire. Les planchers du premier étage s'étaient effondrés alors qu'Aeshma s'y trouvait encore.
Aujourd'hui, la villa resplendissait. Personne n'eût jamais pensé que des pirates et des gladiatrices l'avaient entièrement ruinée. Qu'ils avaient massacré tous ceux qui avaient eu le malheur de s'y trouver le soir de l'attaque. Aeshma avait tué cette nuit-là, et pas seulement des pirates. Son humeur tendu, sombra vers de noirs abîmes.
— Tu as expié, Aeshma. Tu as lavé le sang de tes mains et Julia t'a accordé son pardon.
Aeshma tourna un visage tourmenté vers Marcia.
— Tu as oublié ? Tu as versé ton sang et tu as promis.
Aeshma baissa la tête.
— Je...
— On n'oublie jamais. Le pardon n'est pas l'oubli. C'est mieux.
— Mais des innocents sont morts.
— Tu es assez forte pour y faire face. Ton remord montre que tu es quelqu'un de bien.
Marcia posa une main sur son épaule. Aeshma hocha la tête. La jeune fille poussa son cheval vers l'avant et elle continua sa route aux côtés de Julia. Aeshma se sentit très seule.
Gaïa et Marcia veillaient sur Julia. Elle l'entourait d'un filet d'attentions discrètes. Julia, grâce à elles, jugulait son impatience et ses appréhensions. Elle entretenait l'espoir de retrouvailles paisibles et heureuses. Elle l'empêchait aussi de céder à la colère. Une colère qu'elle dirigeait contre elle seule. Pour toutes les fautes dont elle s'accusait : son imprudence, son imprévoyance en ce qui concernait Sextus Fannius, mais plus encore, son inconscience. Comment avait-elle pu laisser Gaïus et Quintus alors qu'elle savait qu'Aulus Flavius en avait après elle et qu'il n'avait pas hésité à tuer ? Tuer Kaeso Valens, tuer Lucius Caper, attenter à la vie de Quintus, à la sienne. Comment une mère pouvait-elle abandonner si longtemps son fils ? Trois mois. Mais il suffisait d'un regard chaleureux de Gaïa pour la ramener à de meilleurs sentiments. Pour comprendre qu'elle avait sagement agi, qu'elle ne pouvait pas laisser sa jeune sœur affronter seule l'Empereur et Aulus Flavius.
Elle avait été présente pour Marcia quand la jeune fille avait eu besoin d'être soutenue, pour Gaïa. Elles avaient sauvé Astarté et Aeshma. Et puis, malgré les souffrances, la honte, la peur et la colère, elle avait gagné à jamais le droit d'être Julia Metella. Elle soupira. Il lui faudrait, par honnêteté, gagner celui d'être Julia Metella Valeria. Elle ne pouvait pas mentir à Quintus. Elle n'avait pas vraiment réalisé qu'elle lui avait menti. La force de l'amour de Gaïa, son caractère affirmé, avait construit une certitude et une vérité dont Julia, même en pensée, n'avait jamais douté depuis leur serment muet. Jamais le sentiment d'avoir pu tromper Quintus ne l'avait effleurée, même si parfois, une sourde angoisse l'avait tenaillée.