Aeshma se noyait, elle battait des bras et des jambes pour se maintenir en surface. Une vague la submergeait, elle luttait, crevait la surface, ouvrait la bouche, avalait de l'eau, crachait, étouffait, replongeait, remontait. S'épuisait.
Gaïa nageait et vérifiait à intervalle régulier si elle se dirigeait bien vers la petite thrace. Elle arriva enfin à sa portée, tendit une main. Aeshma l'agrippa, tira la jeune femme vers elle et prit appui sur ses épaules pour se maintenir la tête au-dessus de l'eau.Gaïa sombra. Elle se débattit. Les doigts de la gladiatrice s'enfonçaient douloureusement dans ses épaules. Elle n'avait plus d'air.
Ne pas paniquer, penser calmement. Se dégager. Elle passa les mains sur celles de la gladiatrice, trouva ses auriculaires. Elle tira. Les mains se desserrèrent. Elle en profita pour les saisir. Elle fit tourner la jeune Parthe sur elle-même sans lui lâcher les mains et passa un bras sous son aisselle droite, coinça sa main gauche dessous, plaqua sa tête contre la sienne. Gaïa savait qu'elle n'aurait jamais eu le dessus contre elle en temps normal, mais la gladiatrice se battait sans cohérence. Prise de panique, sa raison avait sombré.
— Aeshma, lui dit Gaïa à l'oreille, aussi calmement que possible. Je suis là, détends toi. Il ne t'arrivera rien, c'est fini.
Presque pensa Gaïa. Elle se retourna et ne vit... rien. Sinon des vagues, de l'eau déformée par la pluie, de l'eau noire et blanche. La peur enfonça ses griffes dans sa poitrine et elle suffoqua un instant. Où était l'Artémisia ? Elle chercha désespérément le navire. En vain. Et puis, elle aperçut le lembos. Il flottait intact à une centaine de pieds. Leur seule chance.
— Aeshma, tu m'entends ?
Elle sentait la jeune gladiatrice tendue, prête à se battre si elle la laissait s'échapper.
— Aeshma, tu n'as rien à craindre, le lembos est à quelques pieds de nous, je vais nager jusqu'à là-bas avec toi. Je ne t'abandonnerai pas et nous ne noierons pas, mais il faut que tu me fasses confiance. Détends-toi, Aeshma. S'il te plaît, la supplia Gaïa. Aide-moi, s itu ne te reprends pas, je ne pourrais pas nager jusqu'au lembos. Je n'ai pas envie de mourir. Aeshma...
Elle avait envie de l'insulter, de hurler, mais elle sentait le cœur de la petite thrace taper follement contre sa poitrine. Sa respiration haletante.
— Aeshma, répéta-t-elle doucement. Shhhhhh... Si tu veux vivre, le combat, tu dois le mener contre ta peur, pas contre moi ou les éléments. Tu comprends ?
La jeune Parthe se tendit plus encore entre les bras de Gaïa. La jeune domina resserra son étreinte, mais frotta doucement sa joue contre celle de la gladiatrice. Deux vagues encore les submergèrent, puis tout à coup, Gaïa ne supporta plus le poids d'Aeshma. La jeune femme s'était entièrement relâchée et son corps flottait au dessus du sien.
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Le sable rouge
Fiction Historique78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir. Mai...