Chapitre XLI : Le calme avant la tempête.

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La tête d'Aeshma pesait lourdement sur ses cuisses. Atalante bougea pour se détendre les jambes. Aeshma gémit, sa main remonta sur le genou de la jeune Syrienne et elle replia les jambes jusqu'à la toucher. La jeune Parthe dormait depuis ce qui semblait une éternité à Atalante. Une obscurité d'encre régnait sans partage et elle n'avait aucun moyen de savoir si dehors, brillait le soleil ou scintillaient les étoiles. Aucun bruit ne lui parvenait, sinon celui des vagues qui tapaient contre la coque ventrue du navire. Tidutanus leur avait fait livrer trois repas. Un par jour. Elles pourrissaient dans ce trou à rats depuis trois jours. Au milieu des amphores. Enchaînées.

Le navire était équipé pour transporter des prisonniers ou plus simplement, pour accueillir les marins coupables de quelque manquement à la discipline imposée par le capitaine du navire. Une longue barre de fer était solidement fixée dans les bardages de la coque le long de laquelle glissaient librement des anneaux reliés à des chaînes. Aeshma et Atalante ne portaient les fers qu'aux pieds. Ils leur imposaient plus une contrainte qu'une réelle immobilisation. Les deux jeunes gladiatrices avait gardé l'usage de leurs mains et une certaine liberté de mouvement qui leur permettait de se lever, de marcher un peu, de se rapprocher l'une de l'autre ou bien au contraire de se ménager plus d'espace.

Un grand pot en terre leur servait de latrines et elles l'avaient, dès le début, placé le plus loin d'elles qu'elles avaient pu. Elles avaient aussi veillé à solidement l'arrimer. Marcia ne s'était pas trompée quand elle avait dit que le fond de cale était noir, insalubre, puant et infesté de vermines. Elles s'étaient vite habituées à la puanteur du lieu. Un mélange écœurant de moisi, de pourriture et de saumure. Et si, au bout d'une heure de détention, l'odeur ne les importunait plus, l'insalubrité, quant à elle, leur rendait le séjour pénible. L'air frais avait du mal à descendre aussi bas sous la ligne de flottaison et celui qui restait à leur disposition était saturé d'humidité saline qui leur laissait la peau poisseuse et les empêchait de respirer correctement. Inconvénient dont ne semblaient malheureusement pas souffrir les rats.

Ils avaient attaqué peu de temps après leur installation. Les deux jeunes gladiatrices, fatiguées par les coups qu'elles avaient échangés et leur nuit inconfortable passée au pied du mâtereau, s'étaient assoupies peu après qu'on les eut laissées seules. Aeshma cria quand un rat planta ses incisives dans le lobe de son oreille. Atalante se réveilla en sursaut et deux rats sautèrent prestement du haut de sa poitrine. La grande rétiaire avait lâché une bordée de jurons, mais ils s'étaient montrés moins vulgaires et moins nombreux que ceux qu'Aeshma, qui sentait le sang lui inonder le cou, déversa sur les rongeurs, depuis longtemps enfuis, qui avaient osé s'en prendre à ses oreilles. Échaudées par cette première expérience, elles avaient convenu de se protéger mutuellement. Les rats s'attaquaient toujours aux parties les plus tendres de l'anatomie. Les oreilles, les lèvres, le nez, les mains et les doigts de pieds des dormeurs imprudents faisaient plus particulièrement leurs délices. Elles dormiraient à tour de rôle. Atalante avait suggéré que celle qui montait la garde servirait aussi d'oreiller. Elles pourraient ainsi s'allonger à peu près confortablement. La tête de la dormeuse reposerait sur les cuisses de la sentinelle qui la protégerait avec ses mains. Tidutanus, à la demande de Gaïa, leur avaient ordonné de chausser leurs caligaes. Atalante avait trouvé l'idée bizarre, mais elle s'en félicitait maintenant car elles leur protégeaient efficacement les pieds contre les morsures.

Le sable rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant