Aeshma tapota l'épaule de Marcia. Ils n'avaient rencontré personne. Aeshma ouvrait la marche. Elle partait en éclaireur et appelait ses camarades quand le chemin était libre. Elle venait d'atteindre le couloir qui desservait les appartements réservés à Gaïa Metella. Deux soldats en gardaient l'entrée. Aeshma montra les deux hommes à sa jeune pupille et se retira à l'abri. Elle montra deux doigts, Marcia avait vu. Des niches étaient aménagées régulièrement dans toutes les parties communes et quand la nuit tombait, des serviteurs venaient remplir et allumer des petites lampes à huile. Elles ne brillaient pas avec grand éclat, mais elles suffisaient à ce qu'on pût se déplacer aisément dans la villa sans avoir à s'inquiéter d'allumer une lampe en plein milieu de la nuit, et donnaient assez de lumière à Marcia pour tirer à coup sûr. Elle visa soigneusement. La première flèche transperça la gorge d'un soldat. Le deuxième cria surpris :
— Flavius ? Mais qu'est-ce que ? Alert...
Une flèche lui transperça l'épaule. Il se rua sur la porte.
— Ils sont là, ils sont là ! cria-t-il désespéré.
— Zut, se lamenta Marcia.
— Pas grave, c'était bien tiré quand même, la rassura Aeshma. Maintenant on fonce, parce que si...
Elle n'acheva pas sa phrase, ses compagnons avaient compris. Le temps leur était compté.
***
Un peu avant la première veille. Kyma avait porté à Routh de la posca et une corbeille de fruits. Hanneh n'avait pas eu comme le jour précédent l'autorisation de lui servir son dîner. Celui qui se faisait maintenant appelé l'intendant, un certain Manius Curatius Crispus, l'avait retenue à la cuisine et assommée de prétentions en tout genre.
Méléna et Héllènis s'occupaient du bain du procurateur et n'auraient cédé leur place à personne. Elles avaient excusé les jeunes filles qui s'étaient déjà attiré les faveurs concupiscentes du dominus et s'il avait cruellement souri et affirmé qu'il avait été ravi de trouver de jolies chiennes en chaleur dans un lieu aussi retiré que le Grand Domaine, il n'avait pas formulé l'exigence de les revoir. Héllènis excellait au service du bain et Méléna la secondait efficacement.
Serena avait trop peur de monter à l'étage et c'était elle qui avait suggéré de faire appel à Kyma pour prévenir Routh qu'une attaque aurait lieu cette nuit. Kyma était connue et respectée. N'était-elle pas la favorite du procurateur ? S'attirer ses faveurs maintenant, l'inciterait peut-être à se montrer docile quand le procurateur s'en désintéresserait. Mieux valait une fille conciliante et docile qu'une fille tétanisée de peur. Si les soldats ou les affranchis voulaient exercer leur pouvoir de mâle violent, ils auraient toujours des esclaves idiotes à leur disposition. Kyma servait les plaisirs du dominus depuis longtemps, elle devait se montrer inventive pour retenir ainsi son attention et beaucoup rêvaient de pouvoir profiter un jour de cette inventivité. Les soldats la laissèrent aimablement entrer chez Routh.
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Le sable rouge
Historical Fiction78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir. Mai...