Chapitre LXV : Une opportune invitation

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On avait raconté à Julia l'assaut des pirates, mais chaque protagoniste l'avait perçu d'une manière différente. Marcia, Antiochus, le capitaine de l'Artémisia, Atalante avec qui elle avait parlé au Grand Domaine, Lucia qu'elle avait intégrée à sa familia à la demande de Marcia, Andréas, Spyros, tous racontaient un récit particulier. 

Antiochus avait loué Gaïa et Marcia pour leur talent d'archères, admiré les gladiateurs, jugé téméraires les gladiatrices qui avaient sauté à bord du lembos, et maudit, à mots couverts, Gaïa pour sa folle imprudence. Il se sentait coupable et se donnait le mauvais rôle. Le capitaine adulait Gaïa et racontait le dévouement de ceux qui avaient sauvé son navire, puis de ceux qui avaient soigné les blessés. Le récit d'Andréas était embrouillé. Atalante racontait un combat épique, des trahisons et des faits d'armes. Chacun, selon la grande rétiaire, avait tenu un rôle bien précis qui avait contribué à sauver le navire. Mais le récit d'Atalante finissait sur la peur et un abandon. Sur un espoir qui se heurtait sans cesse à l'immensité de la mer. Au fait qu'Aeshma ne savait pas nager et qu'elle avait peur de l'eau. Marcia avait réussi à la sauver, mais l'Artémisia ne les avait pas abandonnées. Spyros avait été horrifié par le sang versé, par les râles des blessés. Lucia avait perdu son mari et elle louait les gladiateurs et Métrios pour leur dévouement, la gentillesse de Marcia et d'Atalante. Marcia... Marcia avait perdu son mentor et la sœur de Julia. Elle racontait des exploits, ceux des autres, mais revenait toujours aux disparues.

Gaïa raconta sa propre histoire, mais avec elle, tout finissait bien. Elle avait quitté le navire avant de compter les morts. Il y avait eu la fureur du combat, les hommes et les femmes sauvés, les lembos incendiés, les traîtres punis et puis, elle s'était jetée à l'eau. Elle avait sauvé Aeshma et elles s'étaient retrouvées à deux sur le lembos. À partir de ce moment-là, le récit de Gaïa n'avait plus rien de commun avec celui des autres. Son destin avait emprunté un autre chemin. Un chemin d'errance, de solitude, d'amitié, de fraternité, d'entraide, de respect, d'incertitudes et de confiance. Des aventures incroyables. Un engagement incroyable. Soigner, pêcher, préparer à manger, apprendre à nager à la jeune gladiatrice, s'entraîner avec elle, prendre soin d'elle et se reposer sur elle. La tendresse et l'affection transparaissaient dans chacune de ses phrases, dans le choix de ses mots, dans les intonations qu'elle donnait à son récit. Dans l'éclat que prenaient ses yeux quand elle parlait d'Aeshma. Elle attendit pourtant, le milieu de la deuxième veille pour avouer qu'elle avait dormi avec la jeune Parthe dès la première nuit qu'elles avaient passée sur le lembos, puis toutes celles qui avaient suivi quand Aeshma était tombée malade. Qu'elles n'avaient pas seulement dormi côte à côte, mais ensemble, et qu'après, Gaïa ne pouvait plus se passer de la présence d'Aeshma. Qu'elle dormait mal depuis qu'elle ne sentait plus le corps de la gladiatrice contre le sien. Julia lui posa peu de questions, Gaïa ne cherchait pas à lui dissimuler quoi que ce fût, sa sœur avait toujours été son unique confidente et elle lui accordait une confiance qui allait au-delà de ses doutes, de ses réticences, de ses hontes et de ses regrets.

Le sable rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant