Astarté se pinça les lèvres et s'arrêta de parler. Elle n'arrivait toujours pas à comprendre même après l'avoir raconté à ses camarades ce qui c'était vraiment passé. Un silence mortel suivi.
Atalante venait d'entendre se répéter sa propre histoire. Julia et Gaïa. Elle et Aeshma. Son estime pour les dominas monta encore d'un cran. Le récit d'Astarté apportait un nouvel éclairage sur les personnalités des deux jeunes femmes, sur les choix qu'elles avaient pu effectuer dans leur vie et qu'elles continuaient d'effectuer, sur leurs comportements et leurs attitudes vis à vis d'elles-mêmes et des autres. Sur la relation qu'avait nouée Gaïa avec Aeshma. Sans le savoir, la petite Parthe avait rencontré une personne admirable. Quelqu'un qui ne lui mentirait jamais. Qui ne la bercerait pas de fausses paroles et de fausses attitudes. Son affection pour Aeshma ne dissimulait aucune part d'ombre, aucune hypocrisie. Devant Julia, comme devant Aeshma, ne se dressait que Gaïa. Entière et honnête.
Aeshma ne trouvait aucun sens aux paroles d'Astarté. Ses pensées se bousculaient sans ordre et se télescopaient sans cesse, augmentant le chaos qui régnait dans son esprit. Patara, Myra, la gentillesse de Julia, l'amour que lui vouait Gaïa, la complicité qui filtrait à travers tous les propos de la domina dès qu'elle parlait de sa sœur, l'emprise que Julia avait sur Gaïa.
La révélation la laissa catatonique.
Marcia rougissait et pâlissait tour à tour. Julia. Sa Julia. La personne qui s'apparentait le plus à l'idée qu'elle se faisait de la mère qu'elle n'avait pas connue. Une esclave. Julia était une esclave.
Une esclave.
Et alors ?
Astarté se tenait appuyée contre une table. Aeshma était assise dans une attitude rigide, Atalante à ses côtés. Trois femmes, trois camarades. Plus que ça. Deux mentors. Trois. Qu'elle respectait et qu'elle aimait. Trois femmes, droites, honnêtes, fidèles, à qui elle aurait confié sa vie les yeux fermés, tout comme à Julia. Aeshma, Atalante et Astarté étaient des esclaves, mais étaient-elles différentes de la jeune femme libre que Marcia était ? Qu'est-ce qui les différenciait vraiment ? Elles étaient nées libres et des pillards en avaient fait des esclaves. Julia était peut-être née servile. Tout comme Sabina et Galini. Étaient-elles pour autant plus méprisables ? Ne suffisait-il pas à un esclave d'être affranchi par un citoyen pour que ses enfants pussent devenir eux aussi citoyens ? Esclave ou libre, Julia était toujours Julia. Esclave ou libre, elle était toujours la sœur de Gaïa, elle était toujours cette femme brillante et généreuse que Marcia aimait.
— Et après ? demanda Atalante.
— ...
— Astarté ! Que s'est-il passé ensuite ?
— Les prétoriens se sont avancés. Julia n'a pas bronché. Le type de sa famille l'a brutalement giflée en la traitant de traînée. Gaïa a crié, elle s'est dégagée des bras d'Antiochus et a décroché au frère de sa mère, un coup de poing dans la mâchoire qui l'a envoyé valser. Je ne sais pas si c'est toi qui lui appris à frapper de la sorte, Aeshma, mais il s'est retrouvé sur le cul, le visage en sang. Un joli coup. Elle a ensuite menacé tout le monde. Julia a crié, son nom d'abord, puis celui d'Antiochus. Il a ceinturée Gaïa. Elle s'est débattue, mais, cette fois, il n'a pas lâché prise. Je suis restée comme une imbécile. Je ne savais même pas quoi faire, qui défendre, qui attaquer... Antiochus a éloigné Gaïa. Elle criait que Julia n'avait rien fait, qu'elle était sa sœur et que personne ne remettrait jamais cette vérité en cause, qu'elle tuerait quiconque poserait la main sur elle. Elle a juré à Sextus qu'il regretterait d'être venu à Rome, que s'il arrivait quoi que soit à Julia, elle le lui ferait payer.
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Le sable rouge
Historical Fiction78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir. Mai...