Chapitre LXXXIV : Petite visite à l'auberge des Quatre sœurs

88 10 2
                                    

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.


Kittos suivait Marcia comme son ombre. Elle avait dévalé la colline du Capitol, longé le cirque Maximus, traversé le Tibre. Il avait cru qu'elle continuerait sur la voie Aurelia, mais elle avait bifurqué à gauche, s'était heurtée aux murs du Bois des Césars et était retournée vers le fleuve.

Ils marchaient maintenant sur la via Vitellia. Ils avaient croisé un peu de monde au début. Et puis, il n'y avait plus eu personne. Kittos avait rapidement retiré ses chaussures. Il avait le pied sûr et il ne voulait pas qu'elle devinât sa présence. La jeune fille quitta soudain la route et s'enfonça dans les herbes folles. Elle marcha encore quelques instants avant d'être arrêtée par le fleuve. Elle avança sur la berge et resta dressée face aux eaux noires.

Il s'approcha précautionneusement. Il avait plu le jour précédant. La végétation était encore humide et molle sous ses pieds. Elle étouffait le bruit de ses pas. Il se dissimula dans l'ombre d'un arbre.

Un cri déchira la nuit. Un cri sorti des tréfonds de l'âme de la jeune fille. Un cri dans lequel se mêlait autant de rage que de détresse. Kittos comprenait la rage, mais la détresse lui échappa. Elle n'exprimait pas la douleur que la jeune fille ressentait pour la mort de son père. Si elle avait hurlé de douleur pour cela, c'était bien longtemps auparavant, quand elle avait appris la nouvelle, pas maintenant. Alors, pourquoi cette détresse ? Que lui avait exactement dit Julia Metella Valeria ? Qu'Aulus Flavius avait commandité le crime ? La jeune fille avait fui le procurateur. Elle devait le détester. Cette révélation n'avait aucune raison de la bouleverser. Julia Metella Valeria lui avait donc dévoilé un événement que sa sœur n'avait pas révélé à l'Imperator. Un secret que gardaient jalousement les deux sœurs. Lequel ? Qu'est-ce qu'elles savaient que Marcia ne savait pas et qui l'avait autant bouleversée, autant mise en colère ?

À quelques pas de lui, la jeune fille s'arrêta de crier et tomba à genoux. Son front se posa contre la terre humide et Kittos sut qu'elle pleurait.

La bestiaire aux cheveux d'or. La fille tant aimée de l'austère et courageux tribun Kaeso Atilius Valens. La fille tant désirée de cette mystérieuse et si jolie femme aux cheveux noirs qu'avait épousé Valens. Cette femme qui avait légué l'éclat turquoise de ses yeux à sa fille. Personne n'avait jamais su qui elle était. Une Romaine ? La fille d'un chef catuvellauniens comme l'affirmaient certains ? Une princesse captive ? Une otage de l'Empire qui avait été offerte au tribun ? La bestiaire qu'on adulait dans l'amphithéâtre pour son courage, pleurait comme une enfant malheureuse. Comme n'importe quelle jeune fille à qui on avait brisé le cœur.

Kittos était un speculator, l'un des meilleurs. Personne ne saurait jamais. Il enterrerait la faiblesse de Marcia dans les profondeurs de ses pensées. Kittos savait garder des secrets. L'histoire du roi Midas et de son serviteur lui rappelait à chaque instant qu'un secret devait être à jamais scellé par celui qui le détenait. Il n'était qu'un gardien. Aveugle, sourd et muet. En apparence, car il resta en alerte tout le temps que durèrent les larmes de la jeune fille. Il guettait les chiens, les vagabonds, les brigands qui traînaient souvent jusqu'aux abords de la ville et se fondit avec la nuit quand Marcia se releva.

Le sable rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant