Chapitre LX : Ô Philotès* !

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Le port était encore animé malgré l'heure tardive. Les tavernes déversaient sur les quais des buveurs ou des fêtards, parfois ivres, qui parlaient fort, qui riaient ou qui braillaient des chansons à boire. Le pont de l'Artémisia résonnait encore des chants nostalgiques entonnés en grec, en araméen, parfois en latin. La lune apparut sur leur droite, un croissant ténu dont les pointes piquaient vers la droite, aussi affûtées qu'une serpe. Un poète eût raconté qu'elle se levait pour moissonner un champ d'étoiles. Gaïa le pensa. Elle vibra à cette idée, devant la beauté de l'instant. Aeshma avait les yeux levés vers le croissant clair et la jeune Alexandrine se souvint de ce qu'elle lui avait déclaré en Cyrénaïque. Qu'il ne fallait jamais refuser la beauté quand elle s'offrait à soi. Elle passa un bras autour de ses épaules. Elle voulait pleinement partager cet instant avec elle, même si elle savait la petite thrace peu encline à partager quoique ce soit à cet instant-là. Mais si demain, il appareillait tôt, si les vents portaient favorablement, l'Artémisia atteindrait Sidé avant la nuit. Aeshma débarquerait et elles se sépareraient.

Elle lui avait demandé de l'accompagner à Patara, certaine que Julia serait heureuse de revoir la jeune Parthe et de lui exprimer sa reconnaissance. Aeshma avait gentiment, mais fermement repoussé sa proposition. Elle ne pouvait pas se permettre de différer son retour au ludus. Téos n'apprécierait pas. Gaïa n'avait pas vraiment caché sa déception, mais elle n'avait pas insisté. Aeshma ne céderait jamais.

— Nous aurions dû savoir ! s'exclama soudain Gaïa comme si une révélation l'avait soudain frappée.

Quoi ?

Combien de temps nous étions restées en mer.

Ah... répondit Aeshma indifférente.

Qu'est-ce que tu admires en ce moment ?

Rien.

Arrête de mentir, je sais que ce n'est pas vrai.

La lune. La lune et les étoiles.

Voilà ! fit Gaïa victorieuse.

Voilà quoi, domina ?

La lune, Aeshma. Tu ne vas pas me dire que tu ne connais pas les cycles de la lune ?

Aeshma resta coite. Elle se souvenait du regard de Gaïa qui admirait par-dessus son épaule et celle d'Atalante, un mois et demi plus tôt, la lune émergeant des flots. La lune était pleine à un ou deux jours près. Ce soir, son croissant indiquait son quatrième quartier. La nouvelle lune était proche. Un cycle et demi. La lune était pleine à Darnis.

— Comment a-t-on pu être aussi stupides, domina ? Quel besoin avions-nous de demander la date à laquelle nous étions à Darnis ?

Je ne sais pas, Aeshma, rit Gaïa en la lâchant. L'instinct de survie peut-être ?

Le sable rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant