Téos s'était décidé à la former comme rétiaire plutôt que comme hoplomaque. Le spectacle en gagnerait en qualité. Il eût été dommage de dissimuler sa blondeur sous un casque. La jeune fille s'était donc retrouvée soumise à un entraînement intensif. Atalante fut désignée responsable de son entraînement spécifique de rétiaire. Aeshma, chargée de lui apprendre les secrets du pancrace et de la lutte. Ajax, ceux du pugilat. Sabina, lui enseigna le maniement du poignard. Piscès à frapper. Astarté s'occupa de son renforcement musculaire.
Herennius avait organisé ses journées et Marcia ne pouvait compter sur aucun temps mort pour paresser ou se détendre. La jeune fille avait souffert et bien des fois, Aeshma était venue la tirer par la peau du cou pour l'arracher de son grabat, la traîner au réfectoire et l'obliger à manger alors que la jeune novice épuisée, ne désirait rien d'autre que dormir.
Saucia lui dispensait des massages, Atticus veillait sur sa santé, mais Marcia avait horriblement souffert les deux premiers mois. Le corps torturé de douleur, l'esprit abruti par la fatigue.
Elle avait dû renoncer à sa fierté de domina, à son statut, accepter et s'adapter à sa condition de novice qui les ravalait le bien plus souvent, elle et ses camarades, à n'être que des esclaves au service des gladiateurs. Ils portaient leur matériel, les servaient à table, lavaient les latrines, les cellules, la cour d'entraînement, le réfectoire, essuyaient leurs réprimandes, leurs rebuffades, la mauvaise humeur du doctor quand ils peinaient à acquérir une technique particulière.
Astarté se montrait dure et indifférente. Marcia devait à Ajax nombres de coups de poings et d'hématomes. Aeshma ne lui passait rien. Atalante devenait chaque jour plus exigeante. La jeune fille connut les verges et crut mourir de honte la première fois qu'elle se retrouva nue, attachée à un palus, punie d'avoir insulté Aeshma qui l'avait poussée à bout lors d'un entraînement au pancrace. Un novice devait montrer un respect absolu au laniste, au doctor, au médecin, mais aussi à tous les gladiateurs, à tous les meliores et Herennius n'excusait aucun manquement à cette règle. Marcia en avait amèrement fait l'expérience ce jour-là.
Mais le soir, la jeune Parthe l'avait appelée lors du dîner et avait exigé qu'elle lui servît un gobelet de posca. La jeune fille avait obtempéré, mortifiée. Et puis, Aeshma, une fois servie, s'était emparée de son gobelet et l'avait levé vers Marcia en lui déclarant qu'elle s'était honorablement comportée sous les verges, Atalante avait imité son geste, Sabina aussi, suivie par tous les gladiateurs assis autour de la table. Et Astarté qui ignorait superbement les novices se fendit d'une grimace amicale à son intention. Marcia avait souri timidement, mais dans sa poitrine, son cœur avait bondi de reconnaissance et de fierté.
Après deux mois, elle s'était habituée à la dureté des entraînements, à la morgue dont faisaient preuve les gladiateurs envers elle. Elle avait compris qu'Aeshma et Atalante s'efforçaient de l'aider et que leur sévérité ne visait qu'à lui faire atteindre l'excellence. À la protéger, comme elles la protégeaient discrètement des humiliations et du harcèlement auxquels parfois, certains gladiateurs se laissaient aller envers les novices, ou des entreprises de ceux que la blondeur et la fraîcheur innocente de Marcia excitaient. Aeshma et Atalante n'accordaient pas cette grâce qu'à Marcia, elles protégeaient tous les membres de la familia,mais elles veillèrent plus étroitement sur la jeune fille que sur les autres et s'assurèrent que personne ne l'approchait. Marcia avait assez de ses journées pour l'occuper, elle n'allait pas y rajouter les nuits. On verrait ça quand elle serait devenue gladiatrice.
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Le sable rouge
Historical Fiction78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir. Mai...