78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir.
Mai...
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Dans le triclinium d'apparat, les conversations fusaient et roulaient, aussi animées et éclectiques que si les convives s'étaient retrouvés au forum ou aux thermes. Le vin n'avait pas encore tourné les têtes et chaviré les pensées, la griserie légère qui avait peu à peu gagné les hommes comme les femmes avait seulement contribué à les débarrasser des inhibitions qui restreignaient leurs goûts à converser, à faire de l'esprit, à se montrer charmant et chaleureux, à complimenter leur vis-à-vis et à critiquer avec finesse ceux, absents, qui méritaient de l'être.
Anémios pouvait se réjouir. Le banquet se déroulait à merveille. Les plats se suivaient, s'harmonisaient subtilement entre eux et soulevaient des regards approbateurs. Des musiciennes, des pantomimes égayaient le repas et avant que trop de plaisirs n'assoupissent l'assemblée, le propréteur introduirait les gladiateurs.
Anémios avait prévu de les placer en faction devant les entrées du triclinium, tels des mercenaires menaçants. De provoquer un frisson d'angoisse délicieuse, de peur peut-être. Les combattants éveilleraient les fantasmes et les terreurs inconscientes. Fantasmes amoureux, sexuels, guerriers, vicieux. Fantasmes de meurtres et de trahisons. Terreurs d'être pris à partie, d'être tombé en disgrâce, d'être sommé sous la garde d'un de ces farouches meurtriers à se trancher les veines sous peine de se faire ignominieusement garrotter par ces assassins sans scrupule à la solde du propréteur ou d'un agent de l'Empereur.
La mise en scène avait été soignée. Les gladiateurs revêtus des attributs de leur armatura se placèrent un à un à la place que leur désigna l'esclave qui les précédait. Les casques, les ocréas, la galerus qui protégeait l'épaule d'Atalante, le fer des boucliers, avaient été soigneusement polis par les armuriers du ludus et le métal scintillait à la lueur des torches et des lampes à huile. Les peintures avaient été rafraîchies sur les scutums et les parmas. Elles habillaient de couleurs vives et chaudes les gladiateurs qui en portaient. Les cuirs des manicas, des ceintures et des courroies luisaient sombrement. Les subligaculums de lin, d'une blancheur éclatante, tranchaient sur les peaux de ces athlètes hâlées par le grand air et le soleil. Par les longues heures qu'ils passaient chaque jour à s'entraîner dehors. Le mois de juin tirait à sa fin et ils avaient profité des journées plus longues et ensoleillées pour s'entraîner plus longuement encore, leurs doctors s'inquiétant peu de la chaleur et de leur soif.
Atalante rentra la première et n'attira que quelques regards. Elle ne les vit pas, les yeux fixés devant elle, sur le vide. Quand Berrylus rentra avec son casque rutilant et son grand scutum coloré, des murmures s'élevèrent et plus personne n'ignora la présence des gladiateurs.
Les conversations glissèrent sur le munus, les combats. Des débats passionnés commencèrent à fleurir aux quatre coins du triclinium.