78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir.
Mai...
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Une nouvelle journée de combat. Une nouvelle victoire et comme à chaque fois, ce qu'elle abhorrait à présent, une nouvelle nuit de célébration. Les morts, les vaincus disparaissaient des mémoires à peine la porte libitina passée, à peine leur sang versé sur le sable blond de l'arène. Où les romains trouvaient-ils un sable si fin et si doux, d'ailleurs ? Dans quelles provinces reculées de l'Empire ? Combien de livres en avaient-ils rapporté pour les jeux ? Combien de milles ces livres de sable avaient-elles parcouru pour finir souillées par des amphores et des amphores* de sang ?
L'air était surchauffé, chargé effluves diverses qui, en se mêlant, charmaient parfois les sens, mais qui, le plus souvent puaient : fumées âpres des huiles d'éclairage de mauvaise qualité, grasses des viandes et des plats cuisinés, du vin renversé, de la posca aigrelette, des parfums lourds dont les gladiateurs s'étaient inondés le corps et les cheveux, du charbon de bois qui brûlait dans les braseros, des haleines fétides.
Elle n'avait qu'une envie : sortir. Retrouver l'air frais du dehors. Respirer. Mais elle ne pouvait pas s'échapper. Elle siégeait à la table des vainqueurs du jour. Un combat facile que lui avait ménagé son doctor. Un test. Astarté avait gagné quelques méchantes blessures lors de l'amazonachie. Quelques méchantes blessures et une vilaine cicatrice au-dessus de la hanche. Une semaine de repos complet et la reprise des entraînements par paliers rapides. Son laniste espérait l'engager lors de la dernière semaine des jeux. Finir en beauté. L'appairer avec une gladiatrice de son niveau. Le bruit courrait que Titus prévoyait d'appairer les deux plus grands champions des jeux : Verus et Priscus. Alors, s'il le pouvait, si leur laniste l'acceptait, il appairerait Astarté avec l'une des filles du ludus de Sidé, la Gladiatrice Bleue, la grande rétiaire ou l'hoplomaque que la Dace avait embrassé lors de l'amazonachie. En cas de refus, il avait repéré quelques autres gladiatrices issues des ludus de Rome ou d'Alexandrie. Mais un combat contre les filles de Sidé serait plus prestigieux. Encore fallait-il que sa gladiatrice fût au meilleur de sa forme.
Elle l'était. Cet après-midi, elle avait promené son adversaire et elle avait combattu avec cette grâce si particulière que possédaient de grands combattants très toniques et très souples, cette grâce qu'on ne trouvait pourtant que rarement chez des gladiateurs lourds. Elle avait adapté à son armatura, le style léger des rétiaires, des thraces et des hoplomaques. Astarté était sa plus belle acquisition. Il bénissait la bêtise de son précédent propriétaire. Cette fille n'était pas seulement une combattante exceptionnelle, elle avait aussi cette détermination farouche de vaincre, d'être la meilleure, qui la préservait des autres et d'elle-même. La gladiatrice ne cédait jamais à la jeune femme sur le sable. Elle était d'une humeur égale et facile, et sa morgue, sa brutalité avec les jeunes et les novices lors des entraînements, laissaient place à une jeune femme souriante et agréable dans les moments de détente.
Astarté savait dissimuler ses pensées et ses émotions. Personne n'eût à lui reprocher d'être d'humeur morose pendant le banquet. Dans cette familia, seul Lucanus aurait deviné l'agacement et l'exaspération de la jeune gladiatrice. Dans sa vraie familia, peu de ceux qui la connaissaient auraient manqué de le remarquer.