À des milliers de milles du ludus de Sidé, allongée sur sa paillasse, Astarté pleurait. Elle pleurait comme chaque soir avant de s'endormir depuis qu'elle appartenait au ludus impérial. Les entraînements épuisants auxquels elle s'astreignait chaque jour faisaient l'admiration des femmes de sa familia et lui avaient assuré le respect des hommes, mais ne ils suffisaient pas à l'abrutir assez pour qu'elle s'écroulât le soir sur sa couche et qu'elle s'endormît comme une masse d'un sommeil lourd et sans rêves. Et si seulement, elle ne pleurait que le soir sur son grabat. Les larmes la prenaient parfois lors d'une pause, au petit déjeuner, au déjeuner, au dîner. Dès qu'elle se retrouvait seule. Pas de sanglots, pas de cris, pas de nez qui se chargeait de morve, non, juste des larmes qui coulaient, silencieuses et abondantes. Personne ne les avait jamais vues. Si elle n'avait pu les cacher, pour les empêcher de couler, Astarté se fût profondément scarifiée.
Elle avait tenté d'oublier, de pallier le manque plus que la peine. Sa nouvelle familia la pensait enjouée et bonne vivante. Elle buvait, bavardait, plaisantait. Elle avait recommencé à se choisir des partenaires pour agrémenter ses nuits solitaires, mais elle ne les gardait plus jusqu'au matin et, contrairement à son habitude passée, elle ne les accueillait jamais dans sa cellule. Elle comprit à cette occasion, pourquoi Aeshma agissait ainsi, c'était tellement plus impersonnel.
Astarté s'était souvent ébattue par simple plaisir, par simple satisfaction, mais pas avec tout le monde. Elle ne se payait pas seulement un corps quand elle ramenait un homme ou une femme dans sa couche. Elle recherchait une personne. Lucanus, Atalante, le gentil Gallus, la jeune Galini, l'athlétique Ajax, Saucia, Métrios, elle prenait, mais sans mépris, avec attention et souvent beaucoup de gentillesse. Astarté aimait dormir avec ses amants, se réveiller auprès d'eux le matin, qu'importait si ce n'était jamais les mêmes, s'ils ne revenaient qu'une fois par an. Plus maintenant. À présent, elle partait dès qu'elle considérait ses désirs satisfaits. Pauvres désirs. Pauvres dérivatifs.
Elle était devenue aussi indifférente aux corps qui suaient sur elle, aux râles de plaisir susurrés à son oreille, que l'avait toujours été Aeshma. Elle avait évité la petite thrace pour cette raison. Elle n'aurait jamais supporté l'indifférence d'Aeshma à son égard. Elle aurait voulu l'atteindre alors qu'elle savait pertinemment que c'était impossible. Elle s'était interdite Aeshma parce que la Parthe l'aurait ignorée, qu'Astarté en aurait souffert et lui en aurait voulu.
Elle s'essuya le visage sur ses draps, ils étaient trempés. Comment Marcia pouvait-elle autant lui manquer ? Elle ne pouvait plus se passer d'elle, pensa-t-elle pleine d'amertume. Comme elle regrettait cette pensée stupide qu'elle avait eue quand elle lui avait cédé une dernière fois :
Tant pis pour les promesses, tant pis pour le danger, son désir était plus fort.
Son horrible justesse. Les larmes d'Astarté se remirent à couler. Astarté la séductrice ? Elle haïssait sa propension à séduire, ses yeux dont on lui disait souvent qu'ils étaient irrésistibles, ses épaules que Marcia trouvait si confortables. Laide, stupide et ignorante, Astarté aurait été ignorée par les autres, Marcia l'aurait repoussée avec dégoût et serait allée jouir sous les assauts de ce sale petit con d'Ister.
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Le sable rouge
Historical Fiction78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir. Mai...