78 ap. JC. Province impériale de Lycie-Pamphylie. Une gladiatrice, deux sœurs. Les mirages de l'arène, la haine de l'Empire. Une rencontre entre deux mondes, celui des esclaves et des hommes libres. Des jougs à secouer. Une liberté à conquérir.
Mai...
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La Stella Maris plongea.
Du haut d'une crête, elle se précipita dans un gouffre noir et étroit. Le capitaine, les deux barreurs, le pilote et le second s'arc-boutèrent en vain sur les barres. Stravos s'efforçait de ne pas trop faire travailler la structure de son navire. D'éviter le pire. Il abordait les vagues de biais. S'il prenait une lame en travers, sa Stella se retournerait et s'il tombait l'étrave en avant dans un creux, elle risquait de se briser.
— Tiens bon, tiens bon, murmura le capitaine à son navire.
Il pria les dieux pour que tous les passagers fussent solidement liés.
Le cœur manqua à tous.
Marins, gladiateurs, prétoriens, gladiatrices, Chloé, Saucia, Antiochus, Néria, Julia, Gaïa, Spyros, Silia, Zmyrina. Ils ouvrirent tous la bouche. Dans un ensemble parfait. Le temps s'était soudain trouvé suspendu à un fil. Figé. La Stella Maris s'était retrouvée un bref instant en équilibre sur la crête d'une vague immense. Immobile. Et puis, le temps reprit sa course entraînant le navire dans une chute vertigineuse. Une accélération démente que rien ne semblait jamais devoir freiner. Une course folle vers l'infini.
Et soudain. Le choc. La proue qui plongeait durement sous les flots, remontait brutalement à la verticale. Des paquets d'eaux embarqués qui plaquèrent violemment les passagers contre les bastingages. L'horrible impression pour tous de se noyer.
Aeshma referma ses deux bras sur Ishtar autant pour protéger la jeune gladiatrice que pour s'accrocher à elle et combattre sa peur panique de l'eau. Panique d'autant plus violente que la jeune Parthe pensait l'avoir vaincue en apprenant à nager. Britannia avait eu le souffle coupé par le cordage qui la maintenait quand le navire avait plongé et la masse d'eau la renvoya durement se taper sa tête contre le bastingage. Elle devint toute molle. Dacia, malgré la violence des éléments n'avait pas relâché son attention sur la jeune fille, elle la sentit perdre conscience et la soutint fermement par la taille. Tidutanus avait glissé sous la corde, manqué de partir, les mains fermes d'Enyo le saisirent avant qu'il ne fût trop tard. La gladiatrice l'installa dans un puissant mouvement entre ses jambes. Elle les referma sur lui tandis que ses bras l'enserraient comme dans un étau de fer. À demi-suffoqué, il eût la présence d'esprit de s'accrocher fermement aux cuisses de la jeune gladiatrice. Lui, le vétéran de la VIIe légion Claudia, le citoyen romain, l'homme mûr et expérimenté, devrait sa vie à une jeune femme, à une gamine, comme l'étaient toutes les gladiatrices à ses yeux, à une Sarmate, à une barbare, à une esclave, à une réprouvée. À une guerrière.
Cette fille, comme toutes ses camarades, possédait des muscles d'airains et ce n'était pas les rondeurs douces de sa poitrine qu'il sentait dans son dos, qui y changeaient quelque chose. S'il survivait à cette histoire, il ne pourrait plus jamais travailler pour le ludus. Punir, entraver et parfois fouetter ces filles lui paraîtraient des actes infamants. Tout était si simple avant. Tout était bien ordonné, tout le monde bien à sa place. Les gardes et les hommes libres d'un côté, les esclaves et les gladiateurs de l'autre. Pourquoi Téos s'était-il compromis avec ce procurateur ? L'eau le submergea de nouveau et il ne pensa plus à rien, sinon à survivre et à prier pour qu'Enyo ne le lâchât pas.