Au bout d'une heure, ses victimes, celles-là même ayant tenté d'attenter à sa propriété se mirent à hurler.
Kallias poussa un soupir.
Il désirait qu'elles se taisent.
Finalement, il avait tranché.
Le bétail resterait sous les lattes de bois, les mains ficelées par une corde.
Il était très fort physiquement, mais il est vrai que son fusil à pompe prévu pour ce genre de cas de figure l'avait grandement aidé à maintenir l'un tandis qu'il attachait l'autre.
Il les avait ensuite jetés là, dans ce sous-sol caché que seul un habitant des lieux - et il était le dernier encore en vie - pouvait trouver.
Un chien policier également, mais pour le moment là n'était pas la question...
Jamais Kallias n'avait eu affaire à ce genre d'affaires.
Des cambrioleurs dans sa ferme ?
Et pour voler quoi ?
Trois poules ou deux cochons ?
Les temps étaient durs, certes, mais de là à porter atteinte à ce vieux loup solitaire qui n'attaquait personne...
Sauf pour se défendre.
Il faisait froid, le fermier ne comptait leur donner ni à boire ni à manger, ce qui signifiait que ces piètres voleurs ne feraient pas long feu.
Cela arrangeait bien le quinquagénaire vivant en marge de la société.
L'inconvénient d'aimer et de prendre grand soin de ses bêtes, c'étaient qu'elles vivaient longtemps, très longtemps.
A priori, aucune d'entre elles ne passerait l'arme à gauche de sitôt, et il n'était pas assez cruel pour tuer de sang froid un être ne lui ayant jamais causé le moindre tort.
Pour ce qui en était des deux cochons situés sous ses pieds, sa pitié s'arrêtait là.
Il ne s'agissait pas là de deux sans-abri cherchant un lieu où passer la nuit, mais de deux individus mal intentionnés ayant entendu parler de la rumeur du village.
Selon certains, un joli pactole était caché là, sur ses terres, jalousement gardé par le dragon misanthrope qui y vivait.
Tout ceci était faux, bien évidemment.
Néanmoins, en cette période de forte inflation couplée à une soif de richesse de certains impétueux confondant le rêve et la réalité, il n'était au final pas réellement surprenant qu'un beau jour, pareil événement survienne.
Désireux de savoir combien de temps ses captifs allaient tenir, Kallias s'éloigna de quelques mètres de leur prison.
Le dos plaqué contre le mur, son arme en joue vers leur seule issue au cas où par miracle pour eux, il aurait mal serré le noeud coulant autour de leurs poignets, Kallias attendait.
Ce fut long, ennuyant, et au bout d'un moment il dut se résoudre à abaisser son arme afin de soulager ses bras.
Soudain, un cri se fit entendre.
L'un s'époumonait, pleurait de désespoir.
Kallias lui, poussa un soupir.
Et de un...
Attendre dans le froid ne lui faisait pas beaucoup plaisir, néanmoins il craignait que le survivant ne parvienne à s'échapper.
Ce serait, de cette manière-là, une manifestation de la sélection naturelle...
À la fois pour se réchauffer - notamment ses mains qui devenaient de plus en plus rouges et de moins en moins malléables par ses nerfs - et parce qu'il avait pitié pour ce pauvre bougre, Kallias quitta les lieux, traversa une partie de ses terres puis entra dans sa maison chauffée au feu de bois.
Quelques heures passèrent.
Il savait qu'une viande tendre et fraîche l'attendait, non loin.
Toutefois, le fermier était également au courant que même par ce temps, il n'était pas bon de laisser le gibier à l'air libre...
Le vieil ours alla donc pêcher ses deux poissons déjà ferrés.
Il était si sûr de lui qu'à aucun moment il n'avait pensé à prendre avec lui de quoi se défendre.
Entrant dans sa grange, Kallias fixa sa découverte d'un air ébahi.
Les lattes étaient éparpillées tout autour de la cache, ce qui ne signifiait qu'une chose : le survivant s'était enfui.
Trop surpris pour craindre une potentielle dénonciation à la puissance publique, le loup solitaire fit alors une seconde grande découverte.
Dans la petite cellule improvisée, là où quelques heures auparavant, deux cambrioleurs purgeaient leur peine privée, Kallias ne dénicha pas une, mais deux cordes au nœud fortement élargi.