Quelque part au fin fond des égouts de la ville, la tête laide à la face fripée d'un riche financier roulait de la paume d'une main de Rubis à une autre. L'ex étudiante en biologie était lassée de devoir se cacher. Dorénavant, elle montrerait sa vraie nature. Jusqu'ici en effet, jamais elle n'avait osé attaquer un client directement au club.
En temps normal, elle les repérait sur son lieu de travail, les revoyait une ou deux fois à l'extérieur puis, en cachette sur un parking ou dans un bois, elle étouffait puis démembrait ses proies - en prenant évidemment bien soin de dérober les épais billets de banque qu'elle trouvait au passage dans leurs vêtements, la boîte à gants de leur voiture...
Sa couverture désormais disparue - elle se doutait que Scarlet Cheetah venue « en renfort » n'avait pas gardé le secret de sa découverte pour elle - elle vivrait dans ces tunnels puants un certain temps. Patiemment, elle attendrait que les enquêteurs se lassent de son cas pour traquer quelqu'un d'autre puis changerait d'État.
D'ici là, Rubis allait devoir se contenter de captures attrapées ivres ou droguées au beau milieu de la nuit.
Du club de Kagel, elle ne regretterait rien, à part peut-être Aïsha. Sans avoir échangé un mot à ce sujet, la rousse et la brune se doutaient que toutes deux camouflaient une appétence féroce et contre-nature envers les fluides humains.Ce que l'ancienne chercheuse en embryologie en herbe ne savait pas, c'est qu'à la différence d'elle-même, Aïsha ne buvait pas le sang de ses victimes : son truc à elle, c'était la graisse. Volontairement pourtant, Rubis avait laissé la moitié - hormis la tête - de sa pêche à sa copine.
Elle la pensait capable de récupérer ce plat avant que le mystérieux gérant ne se débarrasse des restes...
Au Fries Paradise le patron n'était pas un adepte des enquêtes ordinaires. Les disparitions de clients y sont légion, mais en temps normal ce sont de petits malfrats ou des sans-abris alcooliques et violents qui disparaissent mystérieusement après avoir fait la connaissance d'une Rubis ou d'une Aïsha...Le vigile sourd et muet semblait supposer que ces personnes quittaient le club par l'issue de sortie se trouvant dans chacune des chambres... s'il savait...
Ou bien, comme tout un chacun, il craignait simplement le géant aux yeux bleus perçants qui dirigeait d'une main de maître la maison close qui refusait de porter son nom.Rubis cessa soudain son petit jeu manuel. Du plat de la main droite, elle stoppa net la course de la grosse tête aux bajoues pleines et aux yeux pochés dont les extrémités étaient décorés de pattes d'oie profondes.
Jetant un coup d'œil à la paire de jambes maigres et flasques, n'ayant visiblement que peu utilisées leurs muscles durant leur soixantaine années d'existence - dont la majeure partie s'était déroulée assise derrière un bureau - elle planta soudain le couteau posé juste à côté de ses longues jambes fines et galbées croisées à l'intérieur de la fameuse tête.
Enfin son dîner pouvait commencer.
VOUS LISEZ
Vantablack
HorreurVoici un recueil d'histoires d'horreur inspirées pour la majorité d'entre elles d'une légende urbaine, d'un fait divers ou bien d'un mythe.